Ce sont presque les mêmes réflexes archaïques qui se répètent lors des labours–semailles de la saison 2005-2006. Rares sont les agriculteurs qui exécutent à la règle les bons procédés culturaux. Aux premières gouttes de pluie, on court au labour des champs, on dépose les semences dans le sol et on croise les doigts pour que la production soit bonne. Les techniques de labour et de semence ainsi que l'entretien des sols ne sont jamais respectées ! Les conséquences fâcheuses, résultant de ces pratiques, ne tarderont pas à se manifester par une infertilité des sols et un rendement insuffisant, car dans les terres fragiles, toute erreur de culture se paie cash, comme cela nous a été mentionnés par plusieurs fellahs et techniciens agricoles que nous avons consultés sur le sujet. La céréaliculture dans la wilaya de Batna, à caractère agropastoral, contribue d'une façon très faible dans la production, bien que la superficie totale utile pour l'agriculture soit de 422 677 hectares. À l'exemple de la saison 2004/2005 : sur une superficie agricole utile (SAU) de 144 295 hectares, il n'a été produit que 468 795 quintaux avec un rendement moyen ne dépassant pas les 6 quintaux à l'hectare. À la lecture du rapport de la campagne des labours-semailles de la saison agricole 2004-2005, présenté le 8 novembre 2005 à la troisième session ordinaire de l'Assemblée populaire de la wilaya de Batna, la Direction des secteurs agricoles se limite à expliquer ce mauvais rendement par les conditions climatiques et les 58,8 mm de pluie enregistrés aux mois de mars, avril et mai. Une quantité jugée très insuffisante pour répondre aux besoins des céréales (blés dur, tendre et orge) en matière d'irrigation pendant leur période de croissance et de développement, mais cela n'explique pas tout. D'autres paramètres continuent à concourir défavorablement à l'amélioration de la culture des céréales dans la wilaya de Batna. Les personnes consultées sur le sujet expliquent ces mauvais rendements enregistrés par les mauvaises pratiques culturales, telles que le retard du dépôt des semences dans le sol en temps convenu, le morcellement excessif des exploitations rurales, l'absence des seguias (canaux d'irrigation), la surexploitation excessive des terres fertiles, c'est-à-dire l'inobservation des rotations de cultures et périodes de jachère préconisées. À ce sujet, un technicien nous signale : “Les terres sont louées à des beznassia et à trabendistes (…) Par cupidité et par ignorance de la culture des céréales et de la fragilité de la terre, ils causent énormément de dégâts à la terre. À force d'abuser d'elle, ils ont fini par la rendre stérile.” Un autre fait mérite aussi d'être soulevé : l'agriculture traditionnelle, qui subsiste encore sur de vastes étendues et qui est pratiquée malgré un rendement faible. La résistance des propriétaires aux projets de réformes agraires s'appuie sur les forces du conservatisme. Elle s'appuie également sur la connivence de la routine paysanne et de l'attachement aveugle aux traditions. Aussi, les techniques y sont-elles immuables depuis des millénaires. On cultive comme il y a des siècles, et les procédés sont archaïques. Les rendements dérisoires et la terre sont incapables de subvenir aux besoins d'une population de plus en plus nombreuse. Afin de déplacer l'axe principal d'opération sur l'augmentation des surfaces cultivées et leur mise en valeur ou sur les travaux de défrichement, il fallait livrer une bataille d'usure contre la routine des paysans, les habitudes séculaires, parce que sans cela, selon les personnes consultées, la culture des céréales ne décollera pas dans les Aurès. Le secteur agricole devrait être épuré des “beznassia” et des commerçants qui n'ont rien à voir avec l'agriculture. La Direction de l'agriculture de la wilaya de Batna devrait livrer une rude bataille contre ces parasites. Pour le bien de la culture des céréales dans les Aurès et l'amélioration du rendement du quintal du blé à l'hectare, beaucoup de transformations restent à accomplir et beaucoup d'insuffisances à combler. B. Belkacem