Ils estiment que les montants d'indemnisation proposés aux ayant droits s'avèrent en deçà de la valeur marchande et réelle. Regroupés en collectif, les propriétaires d'habitations et les exploitants de commerces se disent surpris par les convocations qui leur ont été adressées par l'Entreprise du métro d'Alger (EMA) les invitant à prendre attache avec ses services “pour une prise de contact et l'ouverture d'indemnisation”. La convocation rappelle que cette démarche s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article 26 de la loi 91-11 du 27/4/91 fixant les règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique. Il s'agit, en effet, du projet de la restructuration de la zone El Hamma-Hussein Dey, un projet datant des années 1980 et confié à l'Ofares. Mis en veilleuse durant plusieurs années, ce projet a été déterré à la faveur, notamment, de l'adoption du plan d'occupation des sols (POS) par le wali d'Alger. Appelée à être la véritable image de la capitale et sa façade moderne, cette zone nécessiterait, par conséquent, une vaste opération de lifting. De la place du 1er-Mai jusqu'aux confins de l'oued El Harrach en passant par les grandes artères (Hassiba-Ben-Bouali, Tripoli), elle s'étend sur une vaste surface de plus de 760 hectares. Des ensembles immobiliers, des tours d'affaires et des sièges d'institutions nationales et internationales y seront érigés en sus des stations de métro. MODERNITE ET PROSPERITE POUR LES ALGEROIS Cependant, si ce colossal projet d'utilité publique est à saluer tant il apporte modernité et prospérité pour les Algérois, il reste, néanmoins, une source de tracasseries aussi bien pour les occupants des lieux qui réclament des indemnisations que pour les pouvoirs publics confrontés à l'insatisfaction des premiers quant à la prise en charge de leurs doléances, ce qui justifie leur angoisse à laquelle vient se greffer le projet du tramway dont le tracé de la ligne passera inévitablement par la rue des Fusillés, du 17-mai-1957. Et c'est là justement que se trouve la plus grande concentration des réclamations. Cette artère regroupe essentiellement le gros des commerces rentables représentés par les fameuses rôtisseries dont la réputation dépasse les frontières de la capitale. Dans une requête adressée au chef du gouvernement et les institutions concernées (Intérieur, Transports, wali d'Alger, wali délégué et le PDG de l'EMA), ils expriment leur mécontentement sur les montants d'indemnisation proposés et qui “s'avèrent très en deçà de la valeur marchande et réelle tant pour les logements que pour les locaux commerciaux dont l'achalandage et la valeur d'enseigne ont été manifestement sous-évalués”. Pour eux, ces propositions n'ont pas respecté la substance et les attendus de l'article 21 de la loi 91-11. Pour rappel, l'article en question stipule : “Le montant des indemnités d'expropriation doit être juste et équitable. Il doit couvrir l'intégralité du préjudice causé par l'expropriation. Il est fixé d'après la valeur réelle des biens, telle qu'elle résulte de leur nature ou consistance et de leur utilisation effective par les propriétaires et autres titulaires de droit réel ou par les commerçants industriels et artisans.” Ammi Rabah, un des plaignants, souligne que ces indemnisations dérisoires ne permettent pas aux habitants expropriés d'acquérir un logement susceptible de faire cohabiter plusieurs familles, aux commerçants de prétendre à un commerce équivalent sachant que les lieux d'exercice actuels présentent une valeur commerçante inestimable sinon irremplaçable et sachant aussi que ces commerces nourrissent et emploient depuis plusieurs décennies plusieurs familles. Les plaignants font observer que ces indemnisations n'ont pas été accompagnées de propositions de compensations en nature telles que prévues par l'article 25 alinéa 2 de ladite loi qui précise : “(Il) est accompagné chaque fois que possible d'une proposition de compensation en nature, en substitution de celle en espèce prévue.” Parmi les plaignants, certains ont entrepris de gros investissements pour se voir aujourd'hui retomber au point zéro. Tel est le cas de Hocine Madani issu de la famille des trois frères Madani qui ont donné leur nom à l'ex-Clos Salembier, propriétaire d'une assiette de terrain d'une superficie globale de près de 2 000 m2 acquise depuis plus de 40 ans. Il a, avec ses frères, procédé à la construction d'une bonne partie de cette superficie en habitations et commerces. Aujourd'hui, il se voit exproprié de près de 400 m2 à cause du projet de la ligne du tramway. Son projet est, comme il le dit, tombé à l'eau. De ce fait, le collectif sollicite l'intervention des instances citées afin de “surseoir à l'opération d'indemnisation et de recourir au droit de diligence des parties, par le biais de la désignation d'un expert par le tribunal compétent qui sera chargé de l'évaluation exacte du coût des biens touchés par l'expropriation dans le respect des paramètres prévus par la loi et notamment le code du commerce”. A. F.