De l'aéroport à El-Mouradia, en passant par la place du 1er-Mai, Bouteflika se verra submergé par une imposante marée humaine venue l'acclamer. Comme annoncé, Bouteflika est bel et bien rentré au pays, avant-hier, dernier jour de l'année 2005, après trente-cinq jours de soins à l'étranger pour un ulcère hémorragique. Tout le monde l'a vu à la télé, l'accueil réservé au chef de l'état était “coloré”. En gros, samedi, il y avait deux Alger : l'une qui pavoisait, l'autre qui vaquait à son quotidien cahin-caha sans broncher. Ce qui est certain, en tout cas, c'est qu'il y avait foule sur l'axe aéroport-El Mouradia. Des milliers de citoyens des quatre coins du pays étaient parqués derrière des barricades, brandissant qui un portrait du Président, qui un fanion aux couleurs nationales. à l'aéroport Houari-Boumediene ambiance zorna, fantasia et kerkabou. Du 100% folklore en somme. Des scènes qui reviennent, du reste, à chaque déplacement du Président. Quand, à 11h30, le chef de l'état est apparu, ce fut la liesse générale. La folie. Les hommes de la DSPP ne savaient plus contenir la marée humaine qui scandait le nom de Bouteflika. Le Chef de l'état a eu auparavant un geste largement répercuté au 20h et dans les différents envois de l'Unique : il a embrassé l'emblème national tendu par un garde du “Harass El Joumhouri”. La scène émeut. Parmi les présents sur le tarmac, un invité surprise : Noureddine Yazid Zerhouni. Il rentrait peu avant de Paris, lui aussi, où il était allé se soigner. Le Président salue ses hommes un par un. Belkhadem a l'air un tantinet plus euphorique que le reste. Ouyahia ne montre pas plus d'effusion que cela. Enfin, ce ne sont que des impressions… Bouteflika, en tout cas, affiche une mine enjouée. Certains croient percevoir des signes de fatigue. Cela dit, son état de santé semble meilleur que lors de son apparition à la télévision le 17 décembre dernier. Tout au long de l'autoroute Est, une foule compacte est endiguée par des balustrades de la police. Ils sont de tout âge. De toute région : de Djelfa, de Tissemsilt, de Jijel, de Khenchela, de Tiaret, de Tataouine… Ils ont été mobilisés par bus entiers. D'aucuns ont passé toute la nuit à rouler. Certaines personnes âgées, un badge dûment épinglé à la poitrine, ont fait le déplacement de loin. Les transporteurs privés ont été largement mis à contribution pour acheminer les citoyens de l'intérieur du pays. La veille, de grands moyens ont été mis en branle pour retaper la capitale. L'ENTV diffuse en boucle des messages de vœux cueillis aux quatre coins du pays. Des images qui choqueront plus d'un, projetant le téléspectateur dans une époque révolue et rappelant, si besoin est, le caractère “Kim Il Sung” de ce style de communication politique. Comme toujours, la composition de la foule venue accueillir le Président reste une fois de plus sujette à caution. La réquisition forcée du citoyen demeure un recours régulier de l'administration dans la fabrication des bains de foule. Les “organisateurs”, connaissant la tiédeur des Algérois à l'endroit de la chose officielle, ont voulu s'assurer un accueil sur mesure en puisant à souhait dans les “réservoirs” de l'intérieur. Même à Alger, cadres, travailleurs, ouvriers communaux et autres employés des diverses administrations ont été ramenés comme si les Algériens étaient incapables d'exprimer spontanément leurs sentiments à l'égard de leur Président. À la place du 1er-Mai, le cortège présidentiel butera à un véritable “mur humain”. Bouteflika, cédant aux hourras de la foule, descend de voiture et va à la rencontre d'un public en transe venu l'acclamer. Pendant ce temps, un hélicoptère bourdonne dans le ciel de la capitale. Vers 12h30, Bouteflika passe par la place Addis-Abeba pour gagner El-Mouradia. Là encore, les mêmes scènes de liesse populaire se répètent. Partis de l'alliance présidentielle, associations, comités de soutien, administration, ont mobilisé leurs troupes pour la grande kermesse. Plusieurs citoyens badgés ont exprimé leur soulagement de voir les rumeurs colportées sur l'état de santé du chef de l'état battues en brèche. Voici d'ailleurs le Président en personne qui foule de ses pieds la place Mohamed-Seddik-Benyahia, attenante au ministère des AE, sous les clics des photographes. Il agite les bras en signe de gratitude en portant sa main à son cœur. La fête atteint son point culminant en même temps que son ultime étape. Le Président rentré, le peuple peut disposer. La foule se disperse un peu dans l'anarchie. Les gens venus de l'intérieur du pays ont du mal à retrouver leurs bus. Des monticules de bouteilles d'eau minérale jonchent les trottoirs, des sachets “ADE”, des paquets de sandwichs… Des jeunes transportés par bus de l'ETUSA scandent “Bonne année Bouteflika”, tandis que d'autres, beaucoup moins connectés sur l'événement, s'échinent à échafauder de bons plans de réveillon. Les riverains, ne reconnaissant plus leurs quartiers, pestent contre les supporters chevronnés du Président. 2006 reconduit donc Bouteflika dans ses fonctions, et l'Algérie dans ses problèmes. Bonne année quand même… M. B.