Repue, rassasiée, Oran s'est réveillée avant-hier matin, très tard, pour cause de bombance exagérée. Et c'est vrai que le premier jour de l'Aïd, la cité ressemblait beaucoup plus à un immense barbecue qu'à une métropole moderne dont le rayonnement économique et culturel a dépassé les frontières. Partout se dégagent des terrasses, des volets à demi-clos ou même des balcons le même fumet de rots, la même odeur de viande fraîche grillée ou à moitié cuite. Très peu d'enfants dans les rues, ces enfants que l'on avait l'habitude de voir “endimanchés” en pareille occasion, traînent par petits groupes, fiers d'exhiber leurs beaux habits ou leurs pétards et leurs pistolets à eau tout neufs. La fête est intra muros. Dans les familles, dans les foyers et contrairement à ce que l'on pourrait croire, les bouchers sont restés ouverts toute la journée pour permettre à ceux qui n'ont pas les moyens de sacrifier un mouton de s'approvisionner en côtelettes et de créer eux aussi l'illusion de la fête. Sur les routes desservant la sortie de la ville, presque pas de circulation comme si toutes les voitures avaient brusquement disparu. Quelques rares camions, chargés de moutons qui n'ont pu être écoulés sur le marché buissonnier, retournent à leur port d'attache. Pour ces deux jours fériés, presque aucun commerce, à l'exception de quelques cafés et de quelques revendeurs de cartes de téléphonie mobile, n'a levé ses rideaux. Ni Mostaganem, pourtant active et entreprenante, et encore moins Oran n'ont dérogé à cette règle désormais bien ancrée et bien établie dans les mœurs : tout reste figé en période d'Aïd, et donc aucune animation. Même certaines stations d'essence ont pris la liberté de mettre leurs clefs sous le paillasson Mustapha Mohammedi