“Caché” de l'Autrichien Michael Haneke n'est pas un film sur la guerre de Libération nationale. Pour le réalisateur, “c'est un film personnel sur la culpabilité, comment on gère le problème de sa propre culpabilité.” Du suspense sans dénouement, un double ou plutôt un triple drame psychologique, un sentiment de culpabilité bien dissimulé quelque part dans la mémoire individuelle et collective. Le tout servi par un magnifique Daniel Auteuil. Projeté sur grand écran, cela donne Caché lauréat du grand prix du jury du festival de Cannes 2005. Le film commence par un long plan fixe sur la maison de Georges (Daniel Auteuil) et d'Anne (Juliette Binoche) par une “caméra cachée” actionnée par un mystérieux inconnu, une manière de signifier l'entêtement de celui qui a décidé d'empoisonner la vie de ce couple. Une, puis plusieurs cassettes vidéo, envoyées par un connu, toujours accompagnées par ce qui semble être un dessin d'enfant, parviennent au domicile de ceux qui, à première vue, semblent être les victimes de cette machination. Mais la victime n'est pas celle que l'on pourrait croire. Car, au gré des cassettes, la mémoire de Georges, journaliste littéraire dans une chaîne de télévision, le ramène à son enfance. Au mois d'octobre 1961, à la police de Maurice Papon, aux Algériens jetés à la Seine, des événements longtemps frappés d'oubli en France. Et surtout à Madjid, cet enfant Algérien dont les parents, ouvriers agricoles dans la ferme familiale de Georges, ne sont jamais revenus d'une sortie en ville. Et au sentiment de culpabilité, longtemps refoulé, de refaire surface. Petit à petit, au fil des aveux consentis à sa femme au compte-gouttes. Exactement comme se reconstruit la mémoire, en France, autour de la guerre d'Algérie. Devenus adultes, les deux hommes vont se rencontrer… L'autre adulte est interprété par Maurice Bénichou dont la réplique “on ferait tout pour ne rien perdre” illustre à juste titre, semble-t-il, le désarroi devant une responsabilité soluble dans le confort individuel et l'amnésie officielle. Mais que l'on prenne garde. Caché, de l'Autrichien Michael Haneke, n'est pas un film sur la guerre de libération nationale. D'ailleurs, le réalisateur s'en est défendu dans une interview parue après sa consécration cannoise : “C'est un film personnel sur la culpabilité, comment on gère le problème de sa propre culpabilité. C'est aux spectateurs de décider la façon de voir le film. Je ne suis pas un maître d'école, je n'ai aucune leçon à donner. Je peux peut-être poser des questions d'une manière plus ou moins intéressante.” Ce n'est donc pas cette fiction, qui a vu Daniel Auteuil sacré meilleur acteur européen, qui mettra un à la “perpétuelle sensation d'absence de films de cinéma de fiction sur la guerre d'Algérie. La question se pose de savoir pourquoi une guerre si importante, si cruelle, ne fait pas trace dans le cinéma français depuis quarante ans”. Comme l'on récemment reconnu réalisateurs et historiens français lors d'une émission radiophonique diffusée sur France Culture en décembre dernier. À ce sujet, il aurait été, pour nous Algériens, de connaître l'avis du réalisateur Michael Haneke, auteur notamment de La Pianiste (grand prix du jury du festival de Cannes 2001) à l'occasion de ce premier festival du cinéma européen en Algérie. Mais à l'image de ses confrères, attendus à Alger, il n'a pu faire le déplacement à Alger. Et c'est évidemment regrettable. S. B. Caché, film de Michael Haneke. Avec Daniel Auteuil et Juliette Binoche. 1 heure 55 minutes. Projection publique : jeudi 26 janvier, Salle Ibn Zydoune, Riadh El Feth à 13h. Entrée 100 dinars.