Dans un entretien au journal Libération, le cinéaste autrichien a déclaré : « Je remue l'histoire, j'aime ça. C'est pareil en Autriche, où il y a tant de tâches noires que la culpabilité individuelle finit par se fondre dans la culpabilité nationale. Les faits sont là, pourtant : il y a une cinquantaine d'années, des Français se sont mal conduits en Algérie, mais la mémoire collective du pays ne l'a pas accepté ni retenu. Comme en Autriche : personne n'était nazi pendant la guerre, tous victimes. Ce genre d'aveuglement volontaire me rend furieux ». L'idée de faire le film Caché, un thriller psychologique sur la vie d'un journaliste confronté à la tourmente d'un passé coupable qu'il occulte par la politique de l'autruche, « fait partie, selon son réalisateur, d'un documentaire sur la manifestation du FLN réprimée par la police française, à Paris en octobre 1961 ». Sur ce point, Michael Haneke a souligné dans un entretien à l'hebdomadaire La Vie à paraître jeudi, que « le catalyseur fut un documentaire diffusé par ARTE sur les manifestations d'octobre 1961. J'ai été choqué par les massacres, mais plus encore par le silence qui, pendant 40 ans, a entouré ces événements ». « On ne peut se contenter de mettre sous le tapis nos mauvaises actions, car cela ne produit pas seulement des cauchemars, cela se solde par la répétition des erreurs et des crimes du passé », a-t-il poursuivi. « Nos sociétés occidentales inégalitaires ont prospéré sur le dos du tiers- monde. Or, que faisons-nous ? Nous donnons un peu d'argent à des associations caritatives. Ou bien, comme le personnage d'Auteuil, nous avalons quelques comprimés avant d'aller nous coucher et de nous enfouir sous les couvertures ». Le film, primé pour sa mise en scène au dernier Festival international de Cannes, vendu dans une cinquantaine de pays, met en relief la « culpabilité » du journaliste Georges (Daniel Auteuil) qui, pour fuir cette réalité, prend des cachets susceptibles de l'endormir et l'aider à oublier.