Le président Bouteflika veut bloquer le jeu institutionnel pour polariser l'attention de l'opinion publique nationale et internationale sur la seule échéance de la présidentielle de 2004. C'est ce que soutiennent en tout cas des observateurs très avisés de la scène politique nationale, qui pensent que le président de la République ne vise rien moins qu'à déposséder l'ensemble des institutions de l'Etat de leurs prérogatives en les réduisant au piètre rôle de “caisse d'enregistrement”. D'où la levée de boucliers chez nombre d'institutions comme le Parlement (l'Assemblée nationale et le Sénat), ainsi que l'organisation syndicale UGTA qui ont réagi pour dénoncer ces velléités hégémoniques. Le ton a été, par ailleurs, donné la semaine dernière par le patron de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd. Ce dernier, qui s'exprimait dans les colonnes du Quotidien d'Oran, avait regretté que “le président de la République s'occupe même de la tripartite” en spécifiant que “le Chef du gouvernement (Ali Benflis, ndlr) a été usurpé de ses prérogatives”. Abdelkader Bensalah, le président du Sénat, pourtant un fidèle des fidèles du chef de l'Etat, a souligné, mercredi dernier, au palais Zighoud-Youcef, à l'occasion de la clôture de la session d'automne du Parlement que soit consacrée “l'augmentation de l'efficacité législative par un travail de valorisation des institutions constitutionnelles (...), davantage de transparence aux activités et actions des institutions de l'Etat (...) et la confirmation de la continuité de l'Etat et de son régime républicain”. Son homologue de l'Assemblée nationale, Karim Younès, avait abondé dans le même sens en évoquant la question des prérogatives constitutionnelles du député. “Il faut réunir les conditions nécessaires et le climat favorable à l'exercice des prérogatives constitutionnelles des députés”, avait indiqué en substance le président de l'APN. A l'adresse du Président Bouteflika qui avait l'intention d'opérer une révision du statut du parlementaire, I'intervenant lui a asséné sans toutefois le nommer que “le député doit être perçu en tant que représentant du peuple qui est là pour légiférer et contrôler l'action du gouvernement (...) et doit être considéré comme un partenaire dans la recherche de solutions aux problèmes de la société”. Au plan de la lecture politique, l'attitude présidentielle s'apparente à une démarche revancharde par rapport à la désaffection de l'ensemble des soutiens dont il a bénéficié pour son accession à la magistrature suprême, en 1999. Concrètement parlant, ce que le Président Bouteflika n'a pu obtenir à travers une révision constitutionnelle qui consacrerait un régime ultra-présidentiel eu égard aux résistances qu'aurait suscitées un tel projet, est en train de l'exercer de facto en se donnant le rôle d'arbitre suprême du jeu institutionnel. A ce propos, Sidi Saïd martèle : “Nous savons tous qu'on est en train de gérer une fausse stabilité qui va se retourner contre le pays”. N. M.