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Jeu et enjeux
Publié dans El Watan le 13 - 12 - 2007

Ce n'est sûrement pas avec Bouteflika que le principe de l'alternance au pouvoir sera appliqué chez nous. La raison est que notre Président qui terminera son deuxième mandat en 2009, comme le stipule l'article 74 de la Constitution, serait très intéressé de prolonger sa mission à la tête de l'Etat sous prétexte que c'est le peuple (...) qui le souhaite.
Il est vrai que pour l'heure, il ne s'est pas encore prononcé officiellement sur la question, mais tout indique que son désir de se substituer à lui-même est réel puisque d'un peu partout à travers le pays des voix—notamment celles de la famille révolutionnaire et des organisations de masse assujetties au FLN—montent subrepticement pour réclamer une troisième mandature qui évidemment ne pourrait se réaliser sans le préalable d'une révision de la Constitution. Qui dans ce cas est mieux placé que la télévision pour mettre les Algériens dans l'ambiance d'une telle perspective et les préparer psychologiquement à une échéance politique qui doit résonner comme une évidence. Rodée à ce genre de matraquage médiatique, l'Unique ressort donc les vieilles formules pour faire surtout accréditer la thèse selon laquelle l'entorse qu'on s'apprête à faire au texte fondamental pour permettre à Bouteflika de rempiler est une exigence populaire. Sur le plateau de l'émission “Mountada Télevisiouni”, invité avec son double statut de chef de gouvernement et de secrétaire général du parti majoritaire à l'Assemblée Nationale, Abdelaziz Belkhadem n'a pas pris de gants pour l'affirmer, se permettant même le luxe d'ajouter que ce troisième mandat pour lequel le FLN s'est fortement mobilisé “ne porte aucune atteinte à la démocratie”. Ainsi, selon la vision très éclairée de Belkhadem, c'est la démocratie qui doit s'adapter aux conjonctures qui nourrissent les événements et non le contraire. On a dû se dire, dans son aréopage, que si le Président jouit singulièrement d'une incontestable popularité, pourquoi hésiter à lui tailler un costume à sa mesure. Sauf que réfléchir de cette manière peut hypothéquer sérieusement l'avenir institutionnel du pays quand on songe qu'il y a un après-Bouteflika à gérer. Réviser la Constitution juste pour modifier la durée du mandat présidentiel reste, dans cette optique, pour les observateurs politiques avisés une incohérence de plus à l'actif du système actuel pour perdurer et dans laquelle le FLN n'a aucune honte à contredire aujourd'hui, ce qu'il affirmait hier, lui qui avait soutenu que le principe d'un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable une seule fois était ce qui convenait le mieux pour notre idéal démocratique. Moussa Touati, le chef du FNA, qui a surpris tout le monde lors des élections locales en se logeant à la troisième position et qui n'a pas encore été invité à l'émission animée par Soraya Bouamama, pense pourtant que “dix ans pour un président, c'est suffisant”. Il défend une tendance qui a fait ses preuves, à l'exception des pays où la pensée unique est dominante. Il veut surtout avertir l'opinion publique qu'au-delà de dix ans d'exercice du pouvoir, il y a une certaine usure qui peut faire mal à la démocratie. En Algérie, a-t-on réellement peur de l'alternance au pouvoir ? Cette question de fond mérite d'être débattue en toute transparence avec les spécialistes de la politique, mais hélas l'Unique rechigne toujours à organiser ce type de réflexion, de peur de heurter les sensibilités du sérail. Pour l'heure, on pense à planter le décor pour la grand-messe. Car le terrain doit être balisé pour faire de “l'appel populaire massif” le soutien le plus sûr de Bouteflika dans sa quête d'un troisième mandat. Et c'est le FLN qui parrainera cette candidature puisqu'il s'agit du président d'honneur du parti. Le scénario paraît bien ficelé, il nous retrempe dans une ère de populisme politique déjà expérimenté mais qui n'a pas réussi à engendrer les profondes mutations réclamées par notre société. Particulièrement lorsque celles-ci sont directement liées aux contingences du Pouvoir avec un P majuscule. Reste cependant l'équation dangereuse du mouvement intégriste qui menace les fondements de la République et contre laquelle il faut faire front. Les motivations du vieux parti et de ses alliés vont-elles dans ce sens ? Difficile de l'affirmer quand on sait que visiblement les intérêts de la campagne constitutionnelle semblent tourner davantage autour de la personnalité, aussi forte soit-elle, d'un homme et non des enjeux politiques qui doivent garantir à la construction démocratique dans notre pays des assises plus équilibrées. Une chose est sûre, les partis d'opposition démocratique sont foncièrement contre le jeu mené par les conservateurs qui rend caduque leur ambition de rendre un jour l'alternance au pouvoir une réalité.

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