“Personne n'est au-dessus de la loi”, a judicieusement déclaré le ministre de la Justice. “Ni les directeurs de prison, ni les magistrats, ni même les journalistes.” Pour les journalistes, on le savait. Ils savent même que, d'une certaine manière, personne n'est à l'abri de la loi. Excepté les terroristes qu'une charte vient d'extraire pas seulement aux juridictions, mais au principe même de justice. C'est tellement vrai que les terroristes ne sont pas justiciables que le ministre de la Justice a refusé de communiquer le nombre de ceux qui, d'entre eux, ont bénéficié de mesures d'insertion. Personne n'est à l'abri de la loi. Surtout pas les journalistes, eux qui fréquentent assidûment les tribunaux, qui sont régulièrement condamnés et dont quelques-uns sont en prison. C'est vrai que le pouvoir, pour faire bonne figure démocratique, s'est offert l'engagement précipité de ne jamais jeter de journalistes en prison pour leurs écrits. La précision est significative : il y a toujours un autre moyen de mettre en prison un journaliste. Pour la répression de routine, le harcèlement judiciaire suffit. C'est l'arme dissuasive contre la liberté d'expression. À El-Bayadh, dans l'affaire du correspondant d'El Khabar, le procédé n'a pas fonctionné comme prévu. Le ministre de la Justice s'en est désolé, il y a quelques jours. Au point de reprocher au journaliste emprisonné de n'avoir pas respecté le protocole prévu en matière de harcèlement : “Le journaliste n'a pas fait appel du verdict du tribunal.” Selon le ministre, nous devrions comprendre que Bachir Larabi n'est pas en prison pour ce qu'il a écrit, mais pour n'avoir pas usé de tous “les moyens légaux par lesquels il aurait pu s'éviter la prison”. L'itinéraire est presque convenu : une condamnation ferme en première instance, un appel, une commutation. Ainsi, le journaliste poursuivi aurait connu la peine sévère qu'il mérite, l'épreuve de l'audition policière, de l'instruction, de l'audience souvent reportée et de la peine symbolique en bout de course. Et le principe maintes fois proclamé par les gouvernants aura été observé : pas de journalistes en prison pour leurs écrits. Mais le long processus judiciaire constitue en soi l'épreuve, la peine. Bachir, lui, n'a pas joué le jeu. Il n'a pas eu la réaction attendue de lui de faire appel de sa condamnation à la prison ferme, remettant ainsi en cause le dispositif jusqu'ici mis en œuvre. Un dispositif qui intègre l'appel comme une étape constitutive d'une procédure qui se conçoit pour ce qu'elle est : un parcours du combattant judiciaire qui sanctionne les rédacteurs qui n'ont pas encore assimilé le réflexe d'autocensure qu'on essaie de leur inculquer. Le pouvoir en est gêné : après l'avoir contraint à nous traîner fréquemment en justice, allons-nous l'obliger à nous emprisonner plus souvent ? M. H.