Les indus occupants des chambres universitaires seraient à l'origine des sempiternelles crises que vit le campus. À l'instar de plusieurs villes universitaires du pays, Béjaïa a été le théâtre de graves perturbations de la part des étudiants dont la colère, suscitée par le problème de l'hébergement, a atteint son comble durant la semaine du 21 janvier 2006 : perturbation de la voie publique, détérioration des édifices de l'administration, affrontement avec les forces de l'ordre, insultes, déclarations incendiaires… Mais, bizarrement, les étudiants de Béjaïa n'ont pas adressé leurs revendications aux premiers responsables concernés, à savoir les gestionnaires des œuvres universitaires (DOU), ils ont accusé, contre toute attente, le rectorat de refuser de les héberger ! Le problème d'hébergement revient annuellement à tel point que l'on peut dire qu'un sinistre rituel semble maintenant s'installer à Béjaïa. En effet, depuis quelques années, une fois par an, à la veille des examens, des étudiants commencent par sortir des résidences en scandant leur droit à l'hébergement. Puis, ils investissent les routes et les rues de la ville. De là, ils se dirigent inévitablement vers le rectorat qu'ils finissent par saccager, avant d'être dispersés, semant la désolation sur leur passage. C'est précisément ce qui s'est passé entre dimanche 22 et mercredi 24 janvier 2006. Le dimanche, une centaine d'étudiants a bloqué, pendant des heures, la RN 9, affrontant les forces de l'ordre public jusqu'à 16h. Après plusieurs assemblées générales dans les cités et à l'université, de jour comme de nuit, les étudiants ont décidé d'envahir le rectorat mercredi, avec l'intention d'occuper le bureau du recteur. Arrêtés dans leur élan par une porte métallique promptement cadenassée (expérience oblige !), ils ont saccagé les étages inférieurs, se répandant en invectives contre le recteur. Selon des témoins, cet assaut, d'une violence insupportable, fut suivi d'un siège qui a duré jusqu'au petit matin. Le recteur et quelques-uns de ses collaborateurs ayant refusé de quitter les lieux avant l'évacuation des casseurs, ceux-ci redoublèrent de férocité vers 3h, en s'attaquant de nouveau à l'édifice dont ils faisaient trembler les murs. N'eût été l'intervention des forces de l'ordre, pour les repousser hors de l'université, l'irréparable aurait pu être commis. Lorsque, pour essayer de comprendre ce qu'on pensait être une “erreur d'aiguillage” de la part d'étudiants survoltés et haineux, on a demandé à certains d'entre eux pourquoi ils s'étaient tournés vers le recteur alors qu'il est de notoriété publique que ce n'est pas l'université qui gère les cités universitaires, ils nous ont répondu : “C'est à l'université de régler nos problèmes !” Toujours est-il que la situation était à ce point explosive qu'une délégation ministérielle a été dépêchée en urgence, le 28 janvier à Béjaïa, pour dénouer la crise. Interrogé, le recteur de l'université de Béjaïa, Pr Djoudi Merabet, nous dira : “J'avais avancé en 2004, après vérification minutieuse des listes des résidents fournies par les cités, le chiffre de 1 640 indus occupants, identifiés à travers les six résidences. J'avais invoqué la nécessité vitale d'assainir la situation pour permettre à la pédagogie de fonctionner normalement. Aujourd'hui, le problème perdure parce que la situation s'aggrave d'année en année. Au regard des capacités réelles d'hébergement avancées par la DOU et du nombre de lits légalement occupés, toujours selon la DOU, la question de l'hébergement des étudiants à Béjaïa ne devrait pas se poser. Mais la réalité du terrain est loin d'être celle des documents administratifs. Pourtant, la normalisation de la situation dans chaque cité universitaire ne me semble pas d'une difficulté insurmontable.” Ne devons-nous pas chercher dans ces propos sans concession, que le recteur martèle inlassablement depuis des années, la véritable cause qui fait de l'université une cible bien commode que certaines personnes mal intentionnées agitent devant les étudiants ? D'ailleurs, selon les statistiques dont nous disposons, nous avons noté, à titre d'exemple, que 70 chambres seraient occupées illégalement par des travailleurs. Ce qui représente environ 210 lits ! Ainsi, l'assainissement réel des effectifs des résidents est la solution privilégiée à l'université de Béjaïa dont l'ambition est de continuer à se développer. Mais cette solution est-elle privilégiée par tous les concernés ? La question reste posée. Cependant, une chose est sûre, on aura beau pousser les lits dans les chambres pour en ajouter d'autres, il arrivera un moment où il faudrait pousser les murs, et là… En outre, sans cet assainissement, il faudrait ouvrir, à chaque rentrée universitaire, une nouvelle résidence pour accueillir les nouveaux inscrits ou courir le risque de voir l'université de Béjaïa “basculer tous les ans, comme le prédisait déjà le recteur en 2004, tantôt dans un mouvement de grève, tantôt dans un mouvement de rue”. À quand la fin de ce triste rituel qui, tous les ans, tente de faire régresser l'université ? KAMEL OUHNIA