De nombreuses initiatives visant à calmer l'ire des musulmans ont été enregistrées, hier, dans l'espoir de mettre fin à la vague de contestation qui ne cesse de s'amplifier dans certains pays musulmans où la violence a même fait son apparition. Frank-Walter Steinmeier, le nouveau chef de la diplomatie allemande a affirmé, hier, que son pays veut utiliser ses contacts dans le monde arabe pour désamorcer les violences suscitées au Proche-Orient par des caricatures du Prophète Mohamed (QSSSL) et éviter une “guerre des cultures”. “Nous voulons contribuer, en utilisant nos contacts dans quelques pays arabes, à apaiser la violence et l'émotion apparues”, a indiqué le ministre germanique. “Nous souhaitons vivement y parvenir. Il est clair que nous ne pouvons accepter le recours à la violence”, a précisé M. Steinmeier, qui a ajouté : “Nous ne devons pas laisser cette querelle devenir une guerre des cultures.” Les déclarations du ministre allemand des Affaires étrangères interviennent après celles faites quelques heures auparavant par son homologue français, dans lesquelles il lançait un appel à la modération en direction des pays arabes. “J'appelle tous les pays arabes à parler avec modération. Calmons les esprits. La haine, l'intolérance, ça suffit !” a déclaré Philippe Douste-Blazy à radio France Inter. “La religion ce n'est pas ça, c'est exactement le contraire. Il n'y a aucune religion au monde qui dit de tuer ou de brûler les drapeaux”, a-t-il également affirmé. Selon lui, “la guerre des religions ne doit pas exister. Il y a des gens qui veulent faire de la politique avec la religion, ce sont des fanatiques”. Douste-Blazy est allé jusqu'à dire qu'“il y a des gens qui croient à une guerre, (..) une guerre des civilisations”, en donnant raison à ceux qui pensent que certains “se frottent les mains, les Syriens, les gens de Ben Laden et bien d'autres encore”. Ne s'arrêtant pas là, il dénoncera avec force “ceux qui pensent que tout musulman est un terroriste en puissance, ce qui est évidemment scandaleux”. Il estime que “le dialogue des cultures, des civilisations et des religions, c'est le grand combat du XXIe siècle”. C'est le même son de cloche du côté de Miguel Angel Moratinos, le chef de la diplomatie espagnole, qui pense qu'“il y a des acteurs, des interlocuteurs qui veulent créer et nous entraîner dans une supposée guerre des civilisations, et nous ne devons pas tomber dans le piège en leur donnant des arguments”. Il ajoutera “en tant qu'Occidentaux, nous devons respecter la liberté d'expression et condamner les attaques qu'ont subies certaines ambassades, mais nous devons dans le même temps être capables et suffisamment responsables de comprendre les sentiments religieux d'autres cultures”. La Commission européenne a appelé hier à “un retour à un débat apaisé” sur la publication des caricatures du Prophète Mohamed qui continue à susciter la colère dans le monde musulman, alors que les ambassadeurs des 25 devaient débattre dans l'après-midi de ces violences. La commission “espère un retour à un débat apaisé, c'est ce dont nous avons besoin à ce stade, un débat apaisé dans le cadre de la liberté d'expression”, a déclaré son porte-parole, Johannes Laitenberger. Dans la même optique, un responsable au Vatican du dialogue interreligieux, l'archevêque britannique Michael Fitzgerald, a invité hier chrétiens et musulmans à “calmer les esprits” tandis que les manifestations contre les caricatures du Prophète Mohamed se poursuivaient dans le monde musulman. “Nous avons tous la responsabilité de ne pas augmenter la tension et de calmer les esprits des deux côtés”, a insisté M. Fitzgerald. Il a mis l'accent sur la nécessité d'un dialogue entre les deux parties en déclarant : “Nous allons parler avec nos partenaires musulmans pour voir, avec eux, ce que l'on peut faire, car ce n'est pas seulement de notre côté que l'on peut faire quelque chose, mais c'est ensemble qu'il faut agir.” Il a souhaité que cette crise soit “l'occasion d'une réflexion sérieuse sur le respect dû aux valeurs religieuses dans toutes les sociétés”. D'après lui, “l'exercice de la liberté d'expression doit être utilisé avec responsabilité”. Pendant ce temps, la tension n'a pas baissé dans plusieurs pays arabes et musulmans. Les manifestations suscitées par la publication en Europe de caricatures de Mohamed ont fait, hier, un mort en Afghanistan. En Indonésie, plus grand pays musulman du monde avec ses 220 millions d'habitants, des manifestants se sont rassemblés à Djakarta et d'autres villes pour crier leur colère contre les caricatures. À Téhéran, des centaines d'Iraniens ont lancé hier des pierres, des pétards et des œufs sur l'ambassade d'Autriche brisant des vitres de la chancellerie. Dimanche à Beyrouth, des émeutes survenues dans un quartier chrétien lors d'une manifestation avaient déjà fait un mort par asphyxie et une cinquantaine de blessés, selon un nouveau bilan établi hier par la police. En Inde, une grève générale de protestation a paralysé hier le Cachemire, Etat à majorité musulmane. K. ABDELKAMEL