Le film documentaire “I keçç d acu i txedmed ?” (Qu'as-tu fait de tes 20 ans ?) du jeune réalisateur Ali Hadjaz, projeté à la grande salle de la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou, a été fortement applaudi par le public et les nombreux invités du réalisateur. Le film débute avec la narration par une quinquagénaire des souffrances de la vie de l'homme et de la femme vivant en zones montagneuses, notamment l'obligation pour l'homme à ériger sa maison, labourer, piocher ses terres, procurer l'argent nécessaire pour assurer la nourriture à sa famille. Farid, un jeune rejeté de l'école, juste à sa première AS (année secondaire), spectateur de la souffrance de ses aînés dans la taille de la pierre, se met à torturer ses neurones : il faut trouver un moyen de casser et tailler, rapidement et en quantité, cette pierre tant demandée par les constructeurs. Crayon à la main et fort de son don en dessin industriel, il ne cesse d'esquisser des croquis d'éléments pouvant constituer cette machine salvatrice en créant même de l'emploi pour d'autres jeunes. Elément après élément, et se dotant de quelques appareils de bricolage nécessaires (poste à souder et autres outils), Farid réussit, non seulement à créer ses pièces par l'intermédiaire d'un tourneur, mais à réaliser sa machine et en concevoir une autre encore plus grande pour les grosses pierres avec pièces métalliques de moteurs de véhicules, des engrenages de bicyclettes… A quoi bon courir derrière le visa ou tenter la “herraga” comme tous ces Africains, autrement dit “griller” la traversée des frontières, dans des aventures vers l'Europe avec le risque de noyade en mer, de se faire dévorer par des requins ou tout simplement se faire prendre aux frontières, au grand dam de sa dignité. Par les 52 minutes de son documentaire, dont le lieu de déroulement est le village Taxamt El-Djir, dans la commune de Boudjima (daïra de Makouda), Ali Hadjaz démontre qu'il existe, dans le milieu de la jeunesse à travers tous les villages d'Algérie, des génies et des surdoués, pour peu que ceux-ci tentent de “creuser” un peu leur cerveau, ce principal siège de facultés d'invention, afin de “secouer” le génie qui les habite. Réalisé avec une simple caméra, le film documentaire, dont le dialogue original est en kabyle, avec des versions sous-titrées conçues par le réalisateur pour la diffusion dans d'autres régions du pays, a émerveillé les spectateurs tant par l'actualité du sujet que par la qualité de l'image et du son, impeccablement réussies. Au tout début du documentaire, dont la réalisation a été entamée vers 1999/2000, Ali Hadjaz montre quelques gravures rupestres se trouvant dans la contrée de Boudjima (à 25 km au nord de Tizi-Ouzou), signifiant par là que “nos aïeux étaient aussi des artistes, des génies”. Interrogé dans les débats ayant suivi la projection sur ses projets d'autres créations, M.Hadjaz dira qu'il y en a, et ironisant : “Mais attendons d'abord que le prix de “l'Olivier d'or” me soit attribué pour que je puisse m'acheter une caméra plus performante, ensuite on verra pour les projets”. Après avoir ajouté qu'il n'a pas eu de contact pour le moment, le réalisateur avoue qu'“il faut vraiment du courage pour faire quelque chose dans le domaine du cinéma”. A propos du film amazigh, le réalisateur dira qu'il “vient de commencer et il y a un réveil dans ce domaine. Des réalisateurs existent, Dieu merci. Pour ce qui est de la production, c'est une question de survie. Et en la matière, je suis vraiment optimiste”. un optimiste qui a fait des émules dans la salle sitôt le documentaire achevé. Le jury qui a décerné, en décembre dernier à Ghardaïa, le prix de “l'Olivier d'or” au film d'Ali Hadjaz, prouve amplement la valeur et de la qualité de I keçç… d acu i txedmed ? que le réalisateur traduit par “qu'as-tu fait de tes 20 ans ?”, une œuvre qui a reçu les encouragements du public. Salah Yermèche