À l'initiative de l'établissement Arts et Culture, le complexe culturel Laâdi-Flici (théâtre de Verdure) abrite, trois jours durant, les premières Journées théâtrales de la ville d'Alger. Placées sous le thème “Théâtre, ville et citoyenneté", ces journées regroupent nombre d'universitaires, d'académiciens, dramaturges et critiques de théâtre. “Eviter la psychologie, ou plutôt lui donner une dimension métaphysique. Le théâtre est dans l'exagération extrême des sentiments, exagération qui disloque la plate réalité quotidienne." Ecrivait Eugène Ionesco dans Notes et contre notes. Mais, si le théâtre ne doit pas être une forme psychologique ou métaphysique, il doit être en harmonie avec la société dont il est le miroir. Définir le rôle du théâtre dans la cité, c'est incontestablement évoquer sa contribution dans l'évolution de cette dernière et l'expression de la notion de citoyenneté. Art de la cité par excellence, le théâtre produit-il le citoyen ? Après une première journée consacrée à l'histoire du théâtre et l'émergence du théâtre en Algérie, à travers des communications autour des thèmes “Le théâtre et la cité”, “Théâtre citoyen et théâtre de l'urgence dans la cité” et “la place du patrimoine dans le théâtre algérien et la transformation de la cité", la journée d'hier a été consacrée à la dimension citoyenne du théâtre. Dans son intervention, Jean-Yves Picq, metteur en scène et comédien français, abordera le sujet d'un théâtre citoyen et la mondialisation. L'orateur posera la problématique de l'existence d'un théâtre sans citoyens et la possibilité de parler de citoyenneté à l'heure d'une mondialisation ravageuse. Concernant le premier point, Picq rappellera l'origine du théâtre occidental qui trouve source dans le chant homérique : “Plus tard dans la démocratie athénienne, cinq siècle avant l'ère chrétienne, le théâtre découvre et s'invente sa fonction de liturgie laïque." Selon l'orateur, la tragédie sera censée retracer l'enfantement douloureux de l'ordre, sous son double aspect religieux et politique. Il poursuivra son analyse de l'évolution de la pratique théâtrale et ses rapports avec la cité jusqu'au XIXe siècle, où sont apparus des mouvements et de nouvelles théories sociales pour que le théâtre renoue avec sa fonction citoyenne. Une réconciliation favorisée par l'invention de l'école laïque, obligatoire et gratuite. Concernant le volet “citoyens, mondialisation”, Picq soulignera en premier lieu la coupure qui a eu entre le théâtre et le public, mettant en cause les nouvelles technologies. “Le virtuel représente un problème pour l'imaginaire et la création. Le virtuel a transformé la notion qualitative du citoyen vers la notion quantitative du consommateur", dira-t-il à ce sujet. Le maître de conférence en arts du spectacle à l'université d'Artois (France), Mme Christiane Page, a évoqué, elle, son expérience dans l'enseignement du théâtre depuis les premiers paliers scolaires. Sous le thème “La dimension citoyenne du théâtre éducation en France", l'universitaire soulignera le rôle du théâtre en tant que vecteur de communication. “Le théâtre permet d'avoir un rapport dialectique et crée une forme de négociation et d'intégration sociale." Les interventions de Slimane Benaïssa et Ziani Cherif-Ayad ont été une occasion de revenir sur leurs expériences respectives dans le théâtre algérien, en tant que dramaturge et directeur de théâtre. Selon Ziani, “le théâtre était présent dans la cité algérienne et a réussi à marquer la mémoire collective des gens". Il citera à cet égard l'expérience de Rouiched dans Les Concierges et Alloula dans El Adjouad. W. L.