Pour les six associations de familles victimes du terrorisme et de disparus, “la charte constitue une agression morale contre les victimes qui ont subi la décennie rouge”. Six associations de familles victimes du terrorisme et de disparus font un front commun contre l'ordonnance d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. C'est lors d'une conférence de presse animée, hier, au siège de SOS-Disparus, en présence de représentants du FFS, de la LADDH et du NDI que ces associations ont rendu publique leur initiative. Représentées par Chérifa Kheddar de Djazaïrouna, Ali Merabet de Somoud, Lila Ighil de l'Association nationale des familles de disparus (ANFD), Halaïmia Fatima de l'Organisation nationale des victimes du terrorisme et des ayants droit (ONVTAD), Nacéra Dutour du Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA) et de Hassen Meftahi de SOS-Disparus, ces associations ont tout d'abord expliqué leur démarche : “Cela fait une année que nous avons des contacts pour créer ce front commun qui est de nature à déplaire aux pouvoirs publics, mais nous avons décidé de le créer pour répondre à la charte qui constitue une agression morale contre les victimes qui ont subi la décennie rouge”, a noté à ce propos Chérifa Kheddar, la présidente de Djazaïrouna. Fortement indignée du fait que la charte “dénie le droit de dignité, de vérité, de mémoire et de justice”, Mme Kheddar indiquera étudier “la constitutionnalité des textes d'application de la charte au regard du fait que la Constitution consacre le droit aux citoyens de saisir la justice”. L'intervenante s'interrogera également “si les conventions internationales ratifiées par l'Algérie lui permettent de rendre publics des textes de lois qui dénient aux citoyens le droit de saisir la justice ?” Lila Ighil de l'ANFD n'en pense pas moins. Elle note pour sa part que le ton de l'ordonnance présidentielle est “à l'absolution générale de tous les actes répréhensibles par la loi et qui rentrent dans la catégorie des actes terroristes ou de la lutte antiterroriste”. Scandalisée par le fait que “le gouvernement propose aux familles de se faire délivrer des jugements de décès de leurs proches n'ayant pas donné signe de vie et dont le corps n'a pas été retrouvé après investigations”, elle dira que “nous avons des dossiers documentés, des témoignages, des preuves et les noms des gens qui ont procédé à des arrestations de personnes disparues”. Ali Merabet, le président de Somoud n'a pas manqué, quant à lui, de dénoncer le déni “du droit à la parole pour les victimes”. Aussi note-t-il l'absolution des terroristes “à l'origine de crime, de viol et d'attentats individuels et l'impossibilité pour un terroriste ayant commis des crimes collectifs de l'avouer”. Pour l'intervenant, “le traitement de la charte n'est pas à la mesure du drame, c'est comme si on prescrivait du paracétamol à un cancéreux”, dit-il. Halaïmia Fatima relève, quant à elle, que l'ordonnance d'application de la charte pèche par “la discrimination, l'exclusion et le refus de reconnaissance du droit à la réparation morale et matérielle des préjudices subis par les victimes du terrorisme”. “Il y a plus de clémence à l'égard des terroristes”, note-t-elle. Qualifiant de son côté l'ordonnance présidentielle de “dérive dangereuse”, Hassen Ferhati estime que l'Etat “nous a poignardés dans le dos”. Notant que les auteurs “de disparitions bénéficient d'une impunité totale”, tout en citant l'exemple de “deux Patriotes qui ont été présentés à la justice et acquittés malgré toutes les preuves”. “Libérez les disparus qui sont cachés dans des camps secrets, on a des informations qu'ils sont vivants”, revendique-t-il. Nacéra Dutour, qui qualifiera de son côté l'ordonnance de “scandaleuse”, notera que “ce n'est pas des textes qui vont nous faire oublier nos proches et ce n'est ni Bouteflika ni Ouyahia qui vont nous interdire de parler”. Aussi l'ensemble des intervenants qui disent refuser “de se taire et accepter d'aller en prison pour défendre les droits des victimes”, annonce leur intention d'“explorer toutes les possibilités de mobilisation et aller vers les tribunaux algériens ainsi que de saisir les instances internationales pour faire valoir le droit à la justice”. NADIA MELLAL