Les familles des disparus “normaux” et celles des personnes enlevées par les terroristes font cause commune contre Ksentini. Et de deux pour Ksentini ! Après la réponse sèche des associations des familles de disparus, il y a seulement quelques jours, de rejeter la proposition “indécente” du mécanisme ad hoc de Farouk Ksentini, de leur accorder des indemnités et faire définitivement leur deuil, voilà que les familles des autres disparus — enlevés par les terroristes ceux-là —, dénoncent ce “marché”. Dans une conférence de presse animée, hier, les membres de l'association Soumoud (résistance) et SOS Disparus s'élèvent contre la solution préconisée par la commission d'enquête présidée par M. Ksentini et réclament, tout comme leurs collègues pilotés par Me Ali Yahia Abdenour, la lumière, toute la lumière sur leurs proches enlevés durant la décennie rouge. Voilà donc deux catégories de familles de disparus qui, théoriquement, ne partagent pas le même souci, qui s'unissent dans une terrible tragédie pour pousser un véritable cri du cœur afin qu'elles puissent avoir les nouvelles des leurs, morts ou vivants. Par une alchimie politique, dont seul Ksentini a le secret, les victimes des deux camps font maintenant cause commune contre la démarche du pouvoir qui pèche par son incohérence et sa transparence. Et pour cause, à trop vouloir enterrer rapidement cet encombrant dossier des disparus pour l'expurger de l'exploitation politicienne par certains cercles, les autorités en général et le mécanisme Ksentini en particulier ont fini par s'emmêler les pinceaux au point de se retrouver pratiquement à la case départ. À son installation, il y a une année, cette commission s'était engagée, on s'en souvient, à dire la vérité aux familles conformément aux orientations du président de la République qui avait fait de la clôture de ce dossier une priorité absolue. Les familles qui étaient un peu sceptiques au début ont fini par prendre acte d'un tel engagement présidentiel en laissant le mécanisme faire son enquête sur le terrain. Une année après, alors qu'elles attendaient les premières conclusions, ces familles se voient conviées à signer des documents attestant qu'elles acceptent la réparation du dommage par l'argent. La “solution” pécuniaire est assumée publiquement par le président de la commission qui fait implicitement un bilan négatif de son enquête. Ce qui, fatalement, a fait sortir les associations des familles de disparus de leur mutisme en rejetant catégoriquement cette formule facile, renvoyant par là même Ksentini à ses recherches. Celles de Soumoud et SOS Disparus réclament encore plus : l'ouverture des charniers et la reconnaissance scientifique des victimes via l'analyse des ossements. En un mot, c'est tout le dossier des disparus à l'état cru qui est maintenant renvoyé à la face des autorités. Farouk Ksentini qui a eu l'impertinence d'évoquer l'existence d'autres charniers, qui seraient ouverts prochainement, donne ainsi du grain à moudre à ces familles, minées par la douleur, qui tiennent déjà pour responsables les autorités qui ont très mal géré le dossier. Ksentini a réussi la prouesse de se mettre tout le monde à dos, au moment où les observateurs pensaient que l'état allait assumer son devoir de dire la vérité, aussi blessante soit-elle. Désormais, il devra faire face à deux fronts qui vont s'unir dans la douleur pour défendre la mémoire des leurs. La marche prévue le 5 octobre prochain par Soumoud pour crier sa colère participe de ces dommages politiques que ne manqueraient pas de subir les autorités pas encore remises du “qui tue qui ?”. Aussi, le fait que son président M. Merabet rejette toute idée de réconciliation nationale, avant que le dossier de disparus ne soit élucidé, met d'ores et déjà le pouvoir dans de sales draps, d'autant plus que ce thème continue à bénéficier de relais solides dans certains milieux étrangers qui épient l'occasion de rebondir sur leur terrain politicien de prédilection : l'Algérie. H. M.