Regroupés autour d'une coordination nationale, les opérateurs de la branche tentent d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur les menaces qui pèsent sur leur profession qui enregistre une baisse de la consommation de l'ordre de 70%. Si pour le moment, et heureusement, aucun cas de grippe aviaire n'a été enregistré en Algérie, la crise suscitée par l'avancée de la pandémie en Afrique et en Europe a déjà fait des victimes dans notre pays. Les professionnels public et privé de la filière avicole font face actuellement à un début d'effondrement de la branche et redoutent littéralement la disparition pure et simple de la profession, si la psychose de la grippe aviaire venait à se prolonger dans le temps. C'est donc un véritable cri de détresse que lancent aujourd'hui les aviculteurs aux pouvoirs publics pour la prise de mesures à même de les rassurer dans ce contexte d'extrêmes difficultés causé par la baisse de la consommation des viandes blanches. Jusque-là handicapés par l'absence d'un cadre organisationnel pour la profession, les principaux opérateurs activant dans le secteur (accouvage, élevage, fabrication d'aliment, abattage…) se sont récemment regroupés autour d'une coordination nationale des professionnels de l'aviculture mise en place dans le but de défendre les intérêts de la filière. Si aujourd'hui ils décident de réagir, c'est que les dégâts semblent avoir atteint un niveau inquiétant. Pour M. Benhamza Taha, éleveur accouveur installé à l'ouest du pays, les pertes subies par la filière en quatre mois avoisinent les 200 millions de dollars avec une tendance exponentielle. Si les choses n'évoluent pas positivement, ces pertes risquent donc tout simplement de doubler en un mois seulement, selon M. Benhamza. En effet, le niveau atteint par la baisse de la consommation des viandes blanches a de quoi donner des sueurs froides aux professionnels du secteur. Il est estimé actuellement à 70%. “À la faveur de cette crise, la filière risque de disparaître. Jamais il n'y a eu un tel niveau de baisse de la consommation. Nous vivons une situation de quasi-faillite pour l'élevage et cela s'est répercuté sur toute la filière. La machine s'est donc complètement grippée”, explique M. Benhamza pour qui la psychose née de la crise actuelle n'a pas lieu d'être puisqu'“il n'y a aucun danger à consommer du poulet cuit”. Si donc la situation perdure, l'on craint, selon lui, “des conséquences dramatiques sur toute la filière et même sur le régime alimentaire des citoyens”. D'après lui, la consommation des viandes blanches représente 60 à 65% de la consommation des viandes en Algérie et le secteur représente 150 000 emplois permanents et 300 à 400 000 emplois indirects. La production annuelle avoisine 300 millions de poulets, ce qui équivaut en valeur à la bagatelle de un milliard de dollars. Le mérite de la filière réside dans la satisfaction de la demande interne en viandes blanches et œufs. Tout cela fait de cette filière, une branche économiquement viable, mais qui en fait aujourd'hui les frais de la psychose provoquée par l'évolution de l'épizootie de la grippe aviaire et des dégâts qu'elle charrie sur son passage. Les opérateurs rassemblés dans la coordination nationale tentent d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur les difficultés qu'ils endurent. Dans ce cadre, une délégation a été reçue au ministère de l'Agriculture et a remis un dossier contenant leurs doléances. M. Benhamza indique qu'une autre réunion est en principe prévue aujourd'hui avec les responsables du ministère. “L'aide des pouvoirs publics à la profession peut prendre plusieurs formes. Cela peut aller d'une décision de prise en charge des cheptels, à des allègements fiscaux ou des subventions comme cela s'est fait dans les pays où la filière avicole a connu une crise similaire”, suggère M. Benhamza qui estime que “nous sommes dans une situation de catastrophe naturelle” et que par conséquent “l'Etat doit apporter son aide à la sauvegarde de la profession”. Notre interlocuteur met, par ailleurs, en relief le problème d'information concernant les mesures prévues en cas d'apparition sur le territoire de foyers de grippe aviaire. Contacté pour connaître la suite donnée à la requête des aviculteurs par le ministère de tutelle, M. Assabah, directeur de la régulation et du développement des productions agricoles au ministère de l'Agriculture, affirme que “le dossier est minutieusement examiné au même titre que les autres dossiers” par le département, soulignant que “la concertation avec la profession demeure une tradition qu'il faut perpétuer”. M. Assabah note également que ce dossier est l'objet d'une attention particulière dans les discussions avec la Chambre nationale d'agriculture. Hamid Saïdani