Une rencontre poétique a réuni au CCF un aréopage de magiciens du verbe, sur le thème du “Chant des villes”. Malika Tablit, Chantal Danjou, H'mida Layachi, J.-C. Villain, Smaïl Abdoun et Inaâm Bioud ont interprété leurs poésies, chacun et chacune, selon leur sensibilité, mais avec toute leur âme. Ton emphatique, parfois grandiloquent dans le plus pur style des Mou'allaqate, Malika Tablit a déclamé quatre poésies dont la thématique renvoie aux préoccupations sociales actuelles en Algérie : La femme, L'exil, Je te maudis, et un poème d'amour dédié à son époux : Pourquoi pas. Chantal Danjou (native d'Alger, qu'elle revoit pour la première fois !) exprime, dans un style épuré, simple et beau à la fois, la lumière méditerranéenne, un poème d'amour, un hommage aux femmes, et des extraits de L'éloge de l'ombre. J.-C. Villain dédie à Alger un vers-librisme composé d'exquises délicatesses qui se savourent comme un sorbet frais et sucré, “Mouette dans un cercle qui se resserre “la mer scintille...” dans lesquelles l'allitération en “s” suggère le chuintement léger de la brise marine sur la baie d'Alger au lever du jour... “Sauras-tu habiter le désert de la mer, “Ingrat d'ignorer ta chance, Exil. Exil.” Inaâm Bioud lit la traduction en arabe du poème de J.-C. Villain, extrait du recueil Le marchand d'épices : Le Scribe muet. Voix douce, parfaite élocution en arabe, ambiance calme, sereine et reposante ; les mots, tout au long de la poésie, sont enfilés comme le sont des perles sur un fil de soie. S. Abdoun, quant à lui, raconte une nouvelle, rédigée en 1968 intitulée Le palmier nain. La prestation de H'mida Layachi constitua, sans nul doute, le clou de la représentation. H'mida Layachi, homme de théâtre, il a traduit Kateb Yacine, fondé la troupe Kamel Amzal, écrit, joué et mis en scène plusieurs pièces. Il est l'auteur de deux romans : Zana et Labyrinthe, aux éditions Barzakh. À travers le poème (en arabe) qu'il déclame, H'mida fait revivre la tragédie antique née dans la Grèce d'Aristote. Chant tragique ou représentation dramatique, il fait référence au dithyrambe dionysien dont l'objectif est de susciter la crainte ou la compassion. Le personnage livre un combat, où il exprime une dualité constante ; interprétée telle une litanie, sa voix enfle au fur et à mesure de la déclamation du poème et il s'exprime à travers une gestuelle de la douleur où le corps et les membres décrivent un abattement intense et une douleur à son paroxysme. À la fin de sa diatribe, H'mida immerge son visage dans un récipient plein d'eau, puis s'écroule... H'mida évoque deux phrases, tirées d'une berceuse psalmodiée depuis la nuit des temps par nos grands-mères. “Donne-moi un cheveu de ta tête “pour que je couse mon soulier…” puis, l'acteur, après l'immersion dans l'eau, s'écroule, bras en croix, sans vie, sans voix. Nora Sari