Dès que la nouvelle est tombée, des centaines de jeunes ont afflué vers Laâlam spontanément. Au milieu de la nuit. Les premiers secouristes sont arrivés moins d'une demi-heure après le drame. Laâlam. Deux syllabes, un nom de village synonyme de bout du monde. De fin du monde. Dans la nuit de lundi à mardi, les entrailles de la terre ont grondé, et elle s'est mise à trembler. Un séisme de 5,8 degrés sur l'échelle de Richter. Six ou sept interminables secondes qui ont fait basculer dans l'éternité quatre innocentes victimes et fait près d'une soixantaine de blessés. Deux jeunes filles et deux jeunes garçons sont morts sous les décombres de leurs maisons. Des maisons réduites en amas de gravats, des murs fissurés et une population terrorisée qui a passé la nuit dehors par un froid polaire. Heureusement que la solidarité réchauffe les cœurs. À notre arrivée au village ce mardi au milieu de l'après-midi, ils sont encore là au milieu des militaires, des gendarmes, des pompiers, des officiels et de bénévoles. Au centre du village, il règne une effervescence de termitière. Le cortège des délégations officielles, avec à son bord pas moins de trois ministres, vient juste de quitter les lieux et l'on s'affaire à distribuer des tentes, des fardeaux d'eau minérale, des couvertures et à recenser les sans-abri. Les tentes ne sont pas encore distribuées. Les villageois suivent tout ce remue-ménage d'un œil las. D'un œil qui ne s'est fermé qu'à moitié cette nuit. Ils tiennent pourtant à témoigner de la célérité avec laquelle les secours leur sont parvenus. “Pour une fois, les autorités ont bien fait leur travail”, avoue Saïd, 55 ans. Une heure après le drame, des cortèges d'ambulances et des camions de sapeurs-pompiers sont arrivés dans le sillage des premières autorités. Des essaims de citoyens également. Les secours se sont organisés très rapidement. Toute cette solidarité a réchauffé le cœur meurtri des gens de Laâlam. Une population de montagnards qui a appris à être solidaire. À se serrer les coudes. Nous errons un peu à travers les ruelles étroites et encombrées du village pour constater les dégâts. La plupart des maisons sont fissurées, quand elles n'ont pas un pan de mur ou de toiture par terre. En fait, ce sont les vieilles maisons qui ont le plus souffert. Et les vieilles masures, ce n'est pas ce qui manque par ici. Abdesslam parle d'une autre catastrophe qui ne figure sur aucun bilan. Ce sont les bêtes perdues. Bien sûr, il peut sembler dérisoire de parler de cheptel perdu quand il y a mort d'homme, mais dans ces contrées paysannes, les bêtes sont souvent le fruit du labeur de toute une vie. Des étables et des hangars de fortune se sont effondrés tuant veaux, vaches… En dehors de ce qui semble être le centre du village, les maisons sont éparpillées à flanc de montagne, regroupées en petits hameaux. En fait, à Laâlam, il y a plusieurs villages. Outre Laâlam, le douar compte Aït Moussa, Aït Amar, Aït Boughouiche, Thaskla, Imaren et Zentout. Ils relèvent de la commune de Tamrijt, daïra de Souk El-Ténine. Partout les villageois tiennent à témoigner que la solidarité a fonctionné à plein régime. Des camions de vivres et de matériaux divers arrivent de partout. Les blessés ont tous été soignés. Des équipes de médecins s'affairent à prendre en charge ceux qui souffrent. Le plus dur est de gérer le choc émotionnel. Surtout des enfants. La peur se transforme en panique à la moindre réplique. Au moment où nous quittons le village en fin d'après-midi, les secours continuaient d'y affluer. En tout cas, l'étendard de la solidarité a été levé bien haut. D. A.