Le total des terroristes éliminés est de 17 000, selon le Chef du gouvernement. S'agissant de leurs victimes, le dernier chiffre officiel est de 200 000. Petit calcul macabre : en une décennie et demie, le nombre médian de terroristes tués quotidiennement est de trois ; durant la même période, ils faisaient en moyenne trente-six victimes par jour. Il resterait, selon le ministre de l'Intérieur, huit cents terroristes en fonction et qui ont le droit d'activer impunément s'ils comptent cesser leurs massacres dans les six prochains mois. Sans compter les milliers que la “concorde civile” a mis en réserve de la république islamique. L'autre, celle qu'ils comptent s'approprier, pas celle montée par le pouvoir actuel. Avec un bilan d'une perte islamiste pour douze citoyens étendus, le camp des victimes est arithmétiquement perdant avant d'être moralement sacrifié et politiquement défait. Aujourd'hui encore, il reste des terroristes actifs par centaines et de possibles cibles par millions, puisque nous sommes tous bons à prendre. Depuis le récent et massif lâchage d'anciens terroristes, le potentiel criminel a été largement accru. Les terroristes en activité ont le loisir de poursuivre leur entreprise ou de la suspendre, sans autre compte à rendre s'ils le font dans les prochains mois. Les terroristes élargis ont l'alternative de se ranger ou de rempiler s'ils n'arrivent pas à renoncer à leur vocation criminelle. Par un étrange cheminement, nous en sommes au point où il n'y a plus que les victimes qui voient leur sort définitivement scellé : “la paix” aura nécessité qu'on sacrifie leur droit à une justice. Certains ayants droit se sont prononcés pour l'oubli, mais eux, là où ils sont, ils n'ont pas le choix. Victimes du terrorisme, ils sont victimes de la manière dont on veut rétablir la paix, une stratégie au résultat hypothétique, mais une stratégie qui impose l'amnésie avant de démontrer sa pertinence. En attendant de vérifier l'efficacité politique et sécuritaire de la “réconciliation nationale”, on peut se demander si un tel sacrifice pourrait être réparé par la seule prise en charge sociale de leurs proches. L'entrain avec lequel l'ordonnance 06-01 est mise en application fait penser qu'on a enfin découvert la solution miraculeuse. Au-delà de l'affront fait à la mémoire, et à voir l'assurance avec laquelle on loue les indubitables effets de la charte, et pas seulement parmi ses promoteurs, on peut se poser la question : pourquoi n'y a-t-on pas pensé plus tôt ? Le bilan en serait logiquement moins lourd. Car à regarder les chiffres, “la tragédie nationale” aura été bien moins la tragédie des terroristes que la tragédie des victimes du terrorisme. M. H.