Pour écrire la biographie d'André Gide, l'écrivain australien Robert Dessaix se trouve actuellement en Algérie. Il a déjà visité les villes où l'écrivain français a séjourné : Alger, Blida et Biskra. Car, paraîtrait-il, c'est en Algérie que Gide s'est libéré de certaines convenances de la société française du XIXe siècle. Mais cette “libération” est aussi passée par ce que l'on qualifie aujourd'hui de pédophilie. Le biographe australien soutient qu''“à cette époque, la pédophilie était possible”. Toutes les biographies disent ceci des séjours algériens d'André Gide : “Pour accomplir sa destinée, Gide doit aller outre-mer. En 1893, il embarque en Algérie, la patrie mythique de sa guérison et de sa libération. Il y soigne sa tuberculose et il passe outre les interdits.” C'est pour mieux vivre cet aspect “libérateur” de l'écrivain français que Robert Dessaix, écrivain australien, se trouve actuellement en Algérie, de la Casbah d'Alger à l'hôtel d'Orient de Blida où Gide fit la connaissance d'Oscar Wilde qui lui fera cette confidence : “J'ai mis tout mon génie dans ma vie ; je n'ai mis que mon talent dans mon œuvre.” Et bien entendu, Robert Dessaix s'est rendu à Biskra où l'auteur de Les nourritures terrestres (1897) a le plus vécu. “Pour imaginer son monde intérieur, il me fallait voir son monde extérieur. Et c'est justement en Algérie qu'André Gide a complètement changé, du petit protestant français il est devenu un homme libre”, soutient Robert Dessaix qui regrette que les nombreux biographes de Gide n'aient pas visité l'Algérie. Mais ces deux écrivains, le Français et l'Irlandais, se feront d'autres confidences. Et c'est Robert Dessaix qui rapporte celle-ci : “Oscar Wilde a demandé un jour à André Gide : désires-tu ce jeune musicien ? Et à Gide de répondre que oui.” Car ce rôle “libérateur” qu'aurait eu notre pays, alors colonisé, sur la vie et sur l'œuvre de Gide, passe par les penchants sexuels de l'auteur de La Tentative amoureuse (1893). Gide, homosexuel qui a transgressé les convenances de son époque, soit. Mais Gide en Algérie choisissait les enfants ! “Il est vrai qu'il préférait les jeunes garçons, âgés de moins de 14 ans. Il les préférait en pré-puberté !”, concède Dessaix qui précise pourtant qu'il trouve “sophistiqué l'équilibre que Gide a pu trouver entre l'amour qu'il a pour sa femme et la débauche”. Mais il est bien question ici de pédophilie qui ne saurait être sophistiquée. Et à celui qui s'est déjà intéressé à la vie d'Ivan Tourgueniev (1818-1883) d'apporter une autre précision comme pour mieux expliquer le choix de son sujet : “À cette époque (1893, ndlr), la pédophilie était possible. D'ailleurs, personne ne s'est jamais plaint de son comportement.” Et surtout cette conclusion de Dessaix : “Il s'est comporté comme un gentleman !” Même cet écrivain australien souligne que ce n'est pas la sexualité de Gide qui l'intéresse mais plutôt la liberté qu'il a pu trouver en Algérie, il aurait pu certainement avoir cette modération qu'a eu cet autre biographe de Gide qui reconnaît : “Ses pratiques homosexuelles sur les petits garçons du Maghreb ne seraient sans doute plus admises aujourd'hui.” Et qu'importe si ce biographe n'ait pas séjourné en Algérie ! Professeur à l'université de Sydney en Australie où il est né en 1944, il a déjà écrit Une mère et sa honte, son autobiographie parue en 1994. Il est également l'auteur de L'histoire d'un amour, sur les pas de Tourgueniev, thèse qu'il a consacrée à cet auteur russe du XIXe siècle. SAMIR BENMALEK