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Un enjeu de 600 millions d'euros
Ouyahia, l'OMC et les véhicules de moins de trois ans
Publié dans Liberté le 03 - 04 - 2006

L'arrêt de l'importation de véhicules de moins de trois ans, conjugué aux nouvelles réglementations sur l'importation, a fait que d'énormes quantités d'euros restent aujourd'hui inemployées.
Quand le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, déclarait, à l'occasion d'un point de presse, que l'Algérie subit des pressions de la part de l'OMC pour lever l'interdiction de l'importation des véhicules de moins de trois ans, il ne s'est pas étalé sur les enjeux d'un tel marché que venaient irriguer chaque année des millions de dollars au profit exclusif de l'Europe, notamment la France. En effet, il est utile de souligner l'importance du marché des véhicules d'occasion en termes de flux monétaires pour apprécier l'inquiétude manifestée par les structures de l'OMC. Selon les statistiques douanières algériennes, il y a eu plus de 89 000 véhicules de moins de trois ans importés par des particuliers pour la seule année 2005 contre 70 000 en 2004. Ce qui représente en moyenne une facture en devises oscillant, selon les professionnels, entre 400 à 600 millions d'euros. Des sommes colossales en devises puisées essentiellement dans les marches parallèles. C'est dire que l'économie domestique ne profitait point de ces flux qui échappaient aux circuits de contrôle, dans la mesure où ce genre d'importation, qui intéresse les particuliers, n'était pas assujetti à des préalables de domiciliations bancaires. Toutes ces devises sortaient par porteur et par valise à destination de vendeurs établis en Europe. Au-delà de ces enjeux monétaires qui ont fait réagir les instances de l'OMC qui semblent avoir bien mesuré l'étendue du manque à gagner enregistré dans ces pays, il y a également l'inquiétude des constructeurs automobiles européens qui voyaient dans le marché algérien un énorme espace d'évacuation ou d'absorption de “l'occasion” et surtout son potentiel à justifier le renouvellement du parc automobile européen en ce sens où cela peut être perçu comme un facteur susceptible de stimuler la consommation du neuf au sein de ces pays. Par contre, pour l'économie algérienne, l'interdiction de l'importation des véhicules de moins de trois ans a été riche en enseignements et surtout, elle a permis de percer les secrets des circuits informels de la devise longtemps restés impénétrables. Depuis l'entrée en vigueur de cette interdiction, l'euro a connu une chute spectaculaire sur les marchés de change parallèle, passant de près de 120 dinars à 97 dinars en l'espace de quelques mois seulement. Il faut comprendre par-là, qu'il y a quelque 400 a 600 millions d'euros qui ne trouvent plus preneurs sur ces marchés évalués par les spécialistes à la faveur de cette nouvelle donne à quelque 2 milliards de dollars. La demande s'est fortement rétrécie n'étaient quelques professionnels du tourisme, les gérants des agences de voyages et des particuliers en quête de change sur ces marchés qui continuent à entretenir cette parité. Conjuguée à d'autres facteurs intervenus à travers les durcissements réglementaires sur le segment de l'importation et la décantation observée sur cette filière au lendemain de l'introduction du préalable du contrôle fiscal par l'obligation d'inscription avant chaque importation et le relèvement du capital pour ces sociétés activant sur le marché extérieur, l'interdiction des véhicules d'occasion aura permis au dinar de reconquérir une autre valeur. Tout semble indiquer que cette nouvelle parité observée aussi bien sur le marché officiel que celui parallèle soit inscrite dans la durée au grand bonheur des consommateurs qui ne tarderont pas à recueillir les fruits d'une telle décantation. Pour peu que les industriels et les importateurs activant sur la zone euro jouent le jeu de la transparence commerciale, il n'est pas exclu de voir dans les prochains jours certains produits subir une baisse de prix appréciable. D'autant qu'un euro qui baisse entraîne forcément des droits de douanes moins chers et des taxes moindres. Bien des structures de prix de plusieurs entreprises pourraient être bouleversées dans une tendance baissière, tant que la garantie de la marge bénéficiaire est assurée. Il faut savoir qu'a fin 2004, au niveau des cours bancaires, l'euro s'affichait à plus de 98 dinars entraînant, à l'époque, un renchérissement de plusieurs marchandises importées, dont les intrants étaient importés. En revanche, à fin 2005, il perdait près de 11 points pour s'échanger toujours au cours bancaire à quelque 87 dinars et cette parité se maintient pour les mois en cours entre 87 et 88 dinars.
À l'époque, des opérateurs ont été contraints de revoir leurs prix à la hausse à l'image des concessionnaires automobiles ou autres opérateurs versés dans les équipements à usage domestique. S'il est vrai que l'on enregistre déjà une révision à la baisse des prix des médicaments comme nous l'ont assuré quelques professionnels, il est attendu un effort dans le même sens de la part des concessionnaires automobiles qui bénéficient ainsi aussi bien de la parité que de celle des droit de douanes moins contraignants auxquels il faut ajouter la disparition des 12% du DAP (droit additionnel provisoire) touchant quelques catégories de véhicules. Tous les arguments sont réunis pour rendre presque inéluctable ce rééquilibrage des prix en faveur de la consommation car pour le volet véhicules, l'actuelle baisse de l'euro peut à la longue se retourner contre les concessionnaires s'ils ne s'empressent pas de la répercuter dans les prix de leurs véhicules. En effet, les particuliers seraient amenés à opter pour l'importation de leur véhicule neuf directement en faisant valoir soit une licence de moudjahidine ou encore accepter de payer des droits de douanes moins chers sur la base d'une contre valeur euro-dinar plus supportable. L'avantage comparatif faisant le reste. En revanche, comme l'imposent les équilibres économiques, d'autres produits connaissent actuellement un renchérissement certain suite, par exemple, à la flambée des cours de sucre sur les marches boursiers. Conséquence, les limonadiers et même les “yaourteries” prévoient de répercuter cette hausse sur leurs produits. Même si sur ce chapitre un tel mode aurait pu être contourné ou mieux supporté si les pouvoirs publics avaient songé à corriger l'incohérence douanière qui soumet la matière première du sucre (sucre roux) à 5% alors que le produit fini en est exonéré, sachant que l'essentiel du marche domestique est fourni par les raffineries locales. Donc un gain minimum de 5% aurait été ainsi assuré.
Par ailleurs, les industries de l'emballage sont également appelées à revoir à la hausse leurs prix de vente et ce, à la suite de la réduction des stocks de matières premières, conséquence du souci de la préservation des forêts et le coût élevé de l'énergie nécessaire à cette industrie ainsi que de la rareté des pâtes à papier. Les transformateurs de papier et fabricants de ce genre d'emballage annoncent ainsi la couleur et s'apprêtent, nous dit-on, à revoir leurs prix avec, bien entendu, l'effet boule de neige sur les autres filières. C'est dire que le marché algérien subit actuellement de plein fouet la signification réelle de la mondialisation. Aujourd'hui que l'acquis renvoyé par le raffermissement de la valeur du dinar est en passe d'être entretenu, les pouvoirs publics semblent avoir trouvé dans cette formule monétaire un autre moyen inespéré de conforter sans risque inflationniste le pouvoir d'achat et surtout sans avoir à opérer une quelconque hausse de salaires inscrite au chapitre de la controverse. De l'interdiction d'importation des véhicules d'occasion à la valeur nouvelle du dinar, et aux pressions de l'OMC, c'est une réaction en chaîne sur un marché en quête de stabilité.
ABDELKRIM ALEM


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