Le 12 avril 1926, le regretté Allalou (1902- 1992) donnait une représentation théâtrale intitulée “Djeha”. Cette pièce, jouée en arabe dialectal, est considérée comme étant celle qui sera à l'origine du théâtre algérien. Même si dès le début du XXe siècle, des troupes égyptiennes avaient donné des spectacles en Algérie. Car, comme le suggère le titre même de la pièce, ce personnage intimement lié à la culture orale et aux contes maghrébins, cette pièce alliait le genre populaire et la structure théâtrale. Comme le souligne Abdelkader Djeghloul dans son ouvrage l'Aurore du théâtre algérien, paru en 1982, “Si Rachid Ksentini est l'homme orchestre du théâtre algérien, Allalou en est le père fondateur”. Pour cet auteur, Allalou, de son vrai nom Sellali Ali, a introduit un élément fondamentalement nouveau : la troupe. Par conséquent, cet art, d'introduction récente en Algérie, se drapait désormais des couleurs nationales. Car ces années 1920 correspondent également à la renaissance du mouvement national. Le théâtre, cet art qualifié, concernant l'Algérie, comme “l'art de l'emprunt” était aussi un moyen d'appeler les couches populaires à la prise de conscience de l'état de dominés. C'est pourquoi Allalou a opté pour cette langue que tout le monde parle au quotidien. Les troupes arabes, qui se produisaient jusque-là en Algérie, usaient d'une langue peu accessible à ceux-là auxquels elles étaient censées s'adresser. Un autre élément nouveau fut introduit par Allalou : le rire. “Au sérieux d'une éloquence mal à l'aise, dans son habit occidental ou machrékien, il substitue le rire (…) Le théâtre est un spectacle complet, riche en musique, en décors et en habits de scène”, ajoute Abdelkader Djeghloul. Mais la naissance d'un théâtre propre aux réalités algériennes de l'époque sera longue et pénible. Ahmed Cheniki en parle dans son ouvrage Le théâtre en Algérie. Histoire et enjeux, paru chez l'Harmattan en 2002 : “Depuis les premières années du XXe siècle, le théâtre s'est imposé lentement mais sûrement dans une société algérienne a priori étrangère à cette expression artistique.” Même si Djeha est considérée comme étant la première pièce algérienne, cet universitaire évoque également les difficultés rencontrées dans l'écriture de l'histoire en Algérie. “Très peu étudié en raison des lacunes de la documentation, ce parcours marqué de multiples ruptures révèle pourtant tous les questionnements d'une communauté privée de ses repères”, dit-il dans son introduction. Cependant, en plus d'être à l'origine de la pratique de cet art de la scène, Djeha a également inspiré l'un des plus talentueux homme du théâtre : Abdelkader Alloula. Dont les nombreuses créations allient la culture populaire et les formes théâtrales modernes. Dans ses pièces comme El Goual (1980), El Adjouad (1984) ou El Litham (1989), l'omniprésence du goual est très remarquée, personnage central conçu comme un repère populaire. S. B.