Dans Algérie, une guerre sans gloire, paru récemment aux éditions Chihab, Florence Beaugé nous replonge au cœur de la guerre d'Algérie, en s'investissant dans une enquête des plus difficiles qui aborde le thème des tortures et des exactions commises par l'armée française en Algérie. Pour cela, elle donne la parole à ceux qui étaient les acteurs de la guerre, Français comme Algériens, et insiste sur le caractère affreusement “banal” de la torture durant le conflit. En fait, c'est à partir des révélations de Louisette Ighilahriz, faites en juin 2000, sur les sévices qu'elle a subis à Alger en 1957, et mettant en cause deux des plus hauts responsables militaires français de l'époque, (le général Massu, qui a exprimé des regrets, et le général Bigeard, héros de la Bataille d'Alger, qui nie, lui, complètement), qu'est née l'idée de ce livre et de cette enquête. Florence Beaugé qui, dans le souci de la recherche de la vérité, va donner la parole à des témoins, à des acteurs directs qui ont été au centre des tourmentes. Le débat sur les exactions commises par l'armée française pendant la guerre d'Algérie se trouve inexorablement relancé, notamment après les aveux du général Aussaresses qui parle d'actes de torture et d'exécutions sommaires en Algérie. Ceux-ci n'ont pas été que de simples “bavures”, c'était plutôt une pratique systématique. Durant cette enquête qui allait durer cinq ans, Florence Beaugé, dans un acharnement au quotidien, va recueillir les témoignages de victimes algériennes, anciens militants pour l'indépendance, de victimes de torture, de violences sexuelles et certaines d'entre elles n'étaient que des enfants ; ce qui n'a pas fait reculer leurs bourreaux pour autant. Les femmes, premières victimes, insistent sur la nécessité d'ouvrir ce dossier pour que la vérité se sache. Le cas de Mohamed Garne, né d'un viol collectif commis par les soldats français sur une adolescente de quinze ans, est édifiant à plus d'un titre. Sa mère, capturée par les soldats français, lui racontait : “Il n'y avait pas eu un seul, mais des tas. Ça n'arrêtait pas. Les premiers mois, j'ai fini par ne plus me rhabiller. Je restais allongée par- terre. Je ne sentais même plus ce qu'on me faisait.” Certaines scènes décrites sont insupportables, qu'il s'agisse de viols, de tortures à domicile, des écoles des supplices comme celles de Sarouy ou la villa Susini... Avec obstination, Florence Beaugé tente de rétablir la vérité, cette investigation n'a pas toujours été facile, les tortures en Algérie restant taboues, mais la journaliste estime qu'il faut faire aujourd'hui toute la lumière sur cette période, et elle va vérifier les faits, interroger les victimes et les bourreaux... Elle va à la quête d'anciens appelés et remonte le temps, elle va confronter Massu, Scmitt, Le Pen, Cloarec... à leur passé algérien. Nassira Belloula