Les dockers semblent s'opposer à la privatisation de l'activité. La totalité des ports nationaux était pratiquement paralysée, hier, suite à la grève déclenchée par la Coordination nationale des ports algériens. Selon des syndicalistes, rencontrés à l'occasion d'un point de presse, “le mouvement de protestation d'une journée” a mobilisé l'ensemble des 3 600 agents portuaires au niveau de l'enceinte d'Alger, sans compter les 15 000 autres répartis sur le territoire national. D'ores et déjà, c'est à partir de ces stratégiques frontières commerciales du pays que l'on annonce un grand retour de l'UGTA sur la scène de la protestation. Au niveau du port d'Alger, l'activité était visiblement au point mort. Le poids de cet arrêt de travail a freiné tous les mouvements de marchandises ou autres prises en charge des opérations de remorquage et de manutention, fonctions essentielles dans cet espace frontalier. Le débrayage des dockers et “clarkistes” s'est répercuté, par effet d'entraînement, inéluctable, entraînant la paralysie totale des services douaniers, la Cnan, la Gema activant dans la même sphère. Un avant-goût de l'importance de la mission qu'occupent les personnels portuaires aura ainsi été manifesté à la tutelle dans ce bras de fer. Plus que des revendications classiques, d'ordre social ou salarial, les représentants des travailleurs se déclarent opposés à toute privatisation des activités portuaires et s'insurgent contre leur exclusion du débat relatif à la démarche entreprise, selon eux, de manière unilatérale par le ministère des Transports, dans le but d'aboutir à un processus de privatisation. Les syndicalistes font état de réunions “organisées par le ministère et la tutelle, Sogeports avec les PDG des entreprises portuaires en vue d'enclencher le plan d'action 2003/2004”. Celui-ci recommande le redéploiement des activités commerciales pour aboutir à la privatisation escomptée, estiment les représentants des travailleurs. “L'évolution des entreprises portuaires”, selon le projet mentionné par Sogeports devra être réalisée entre 2002 et 2004 et commencera par la mise en place d'un système de filialisation des activités commerciales dans un cadre de démonopolisation et de concurrence. Il y est également mentionné la transformation des statuts pour les filiales acconage, manutention et remorquage, dans une deuxième phase. Une étude financée par la Banque mondiale sera ensuite élaborée pour trouver les scénarios d'ouverture adaptés à chaque port et préconiser la forme SPA dans le cadre de la filialisation. Il sera aussi question d'ouverture de capital et de partenariat, lit-on dans le document, source de vives inquiétudes des syndicalistes. Ces derniers disent non à cette démarche d'autant, estiment-ils, que “la plupart des ports sont performants”. “Nous avons des professionnels et nous ne demandons qu'à avoir le matériel et l'équipement pour rentabiliser et améliorer notre activité”, soulignent-ils en indiquant qu'il n'y a ni l'opportunité ni le besoin pour privatiser. On parle même de 165 milliards de DA de recettes pour 2002 réalisées au port d'Alger. D'où l'incompréhension manifestée par ces travailleurs qui dénoncent des “enjeux de privatisation” qualifiés d'obscurs. Les “clarkistes” n'arrivent pas à s'expliquer “pourquoi nos engins demeurent en panne, en raison de futiles pièces détachées que l'employeur refuse d'acquérir ?” Pour eux, cela signifie qu'il y a “préparation du terrain à la mise à mort de cette activité”. En attendant l'instauration d'un marché concurrentiel au sein des entreprises partenaires, par la mise en place d'un système de concession, et l'ouverture à l'exploitation de chaque port, la stratégie des pouvoirs publics risque de se heurter à cette puissante détermination des agents portuaires et d'accuser un manque à gagner considérable pour le pays. Entre la peur du naufrage, brandie par les protestataires et la quête de la performance affichée par les pouvoirs publics, il y a assurément un coût économique difficile à mesurer pour l'heure. D'autant, indique-t-on, que les infrastructures portuaires d'Arzew et de Skikda, en dépit du service minimum assuré, ont été mobilisées dans ce bras de fer qui semble dépasser juridiquement les PDG de ces entreprises, comme tiennent à le souligner les syndicalistes à l'issue de la réunion tenue avec le PDG de l'EPAL. “Nous n'avons rien contre lui. Nous sommes contre un projet”, crient-ils. Un projet qui a, en principe, été mis sur les rails la veille de cette grève, à en croire la correspondance émanant du président du directoire Sogeports invitant les premiers responsables des ports à présenter les dossiers du redéploiement avant le 15 février, afin d'être examinés par le ministère de la Participation. A. W.