Rien de plus édifiant que la grève déclenchée en 2003 par les deux principaux syndicats de l'enseignement secondaire : le Cnapest et le CLA. Seul syndicat à bénéficier des égards du “pouvoir”, l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), organisation, dont la création remonte à 1956, s'apprête à célébrer la Journée internationale du travail dans un contexte pour le moins particulier : chômage endémique, crise du logement, situation précaire des travailleurs dans certains secteurs d'activité, érosion du pouvoir d'achat, libéralisation à la “hussarde” de l'économie avec son cortège de licenciements projetés et les menaces de fermeture de plusieurs entreprises. Cette situation préoccupante trouve son expression d'ailleurs dans les colères et les mouvements sociaux sporadiques qui se manifestent dans certains secteurs. Mais au-delà du constat, l'organisation créée par Aïssat Idir doit, dorénavant, faire face à une concurrence accrue sur le terrain de la contestation : celle des syndicats autonomes. Au nombre de cinquante-trois, les syndicats autonomes — nés à la faveur d'une loi datant de 1990, au lendemain de l'explosion de 1988, régissant l'activité syndicale —, cristallisent désormais toute la colère des travailleurs. Et rien de plus édifiant que la grève déclenchée en 2003 par les deux principaux syndicats de l'enseignement secondaire, à savoir le Cnapest et le CLA. En dépit de l'absence d'agrément, une violation des autorités en contradiction avec le pacte international sur les droits civiques et politiques ainsi que le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels et la convention internationale de l'OIT que l'Algérie a pourtant ratifiée, les deux syndicats ont réussi à paralyser les lycées pendant trois mois. Forts d'une armée de près de 60 000 enseignants, les deux structures ont réussi à arracher une augmentation de salaire de près de 30%. Un acquis perçu par de nombreux travailleurs dont les conditions de vie sont devenues insupportables comme un véritable trophée de guerre. Autres caractéristiques de ces nouvelles structures syndicales : le respect du choix civique des adhérents. Aucune, en effet, n'a donné une consigne particulière de vote lors des précédents scrutins. Cela sans compter, bien entendu, le respect de la ligne syndicale. En d'autres termes, le fonctionnement démocratique. La crise, qui a secoué le Cnapest est, à ce titre, édifiante. Pourtant, les autorités continuent à ce jour de privilégier le dialogue social seulement avec les locataires de la Maison du peuple. Crainte du pluralisme ou volonté de canalisation de la colère ? Sans doute les deux à la fois. Réputée pour être “l'appendice” du pouvoir dont l'unique rôle est de jouer “au pompier”, pour reprendre une formule en vogue, l'UGTA, en tant qu'unique représentant des travailleurs se voit de plus en plus contestée par sa base. Sa “mollesse”, ses “compromissions”, et son “manque d'agressivité” ont fini, au fil des mois, par grossir les rangs des syndicats autonomes. Mais, face à l'intransigeance des autorités qui s'abritent souvent derrière une prétendue violation de la loi, les syndicats autonomes ont entrepris de se fédérer, seule parade pour contourner l'écueil de l'absence d'agrément. Et c'est sans doute cette raison qui a conduit de nombreux acteurs sociaux à proposer la création d'un forum des libertés. Mais quoi qu'il en soit, l'autorité de l'UGTA comme représentant exclusif des travailleurs est bel et bien entamée. Autant le pouvoir que les locataires de la Maison du peuple sont appelés à se conformer aux nouvelles réalités. KARIM KEBIR