L'Iran veut-elle utiliser des rapports poussés dans le domaine économique avec l'Algérie afin de l'entraîner dans ses options, notamment d'ordre nucléaire qui suscite déjà la controverse au niveau international ? Les opportunités économiques et commerciales que présente le marché algérien semblent intéresser au plus haut point les industriels iraniens qui ont entamé, ces dernières années, un véritable passage en force pour tenter d'accroître leur présence en Algérie. En effet, en deux années seulement, plusieurs déplacements d'hommes d'affaires et de personnalités politiques iraniens ont été effectués à Alger, se soldant par des résultats qu'on peut considérer comme notables, vu que les rapports entre les deux pays avaient connu une longue période de crispation, en raison du soutien officiel du régime des mollahs à la nébuleuse islamiste et les groupes terroristes qu'elle a enfantés. C'est dire que la visite, il y a quelques années, de Bouteflika à Téhéran a permis de décrisper un tant soit peu les rapports entre les deux pays pour ouvrir une nouvelle page axée sur un partenariat mutuellement bénéfique. Pour démontrer son intérêt pour le marché algérien, la Chambre de commerce iranienne tient, depuis hier, le Salon des industries et des technologies avec la participation d'une cinquantaine d'opérateurs représentant les domaines les plus divers. L'exposition, qui devra s'étaler sur cinq jours, va permettre aux éventuels hommes d'affaires algériens de nouer des relations avec leurs homologues iraniens. Toutefois, du côté iranien, l'on ne veut pas en rester là. Apparemment, on veut brûler les étapes afin de tenter de rattraper le temps perdu. D'ailleurs, nous avons appris, hier, en marge de la cérémonie d'inauguration du salon, que le Conseil des hommes d'affaires iraniens compte ouvrir très prochainement un centre commercial permanent qui sera installé à Chéraga afin, nous explique l'un des représentants de la Chambre de commerce iranienne, d'en faire une sorte de relais entre les industriels des deux pays. Signe de cet intérêt grandissant pour l'Algérie, le président de la Chambre de commerce iranienne, M. Ali Naqi Khamouchi, a indiqué, hier, que le conseil a dépêché dans notre pays une quinzaine de groupes d'experts et de directeurs d'entreprises iraniennes pour discuter avec leurs homologues algériens des éventuels domaines de coopération ou de partenariat. Les Iraniens semblent surtout privilégier des échanges dans les domaines de l'agroalimentaire, des boucheries industrielles, de l'assemblage de véhicules, de la production du ciment et des matériaux de construction, des consommables médicaux et, enfin, de l'industrie pétrolière et pétrochimique. Cependant, le représentant iranien relève qu'il existe un sérieux problème de communication en ce qui concerne les potentialités de partenariat entre les deux pays. Lors de son intervention, il est même allé jusqu'à exhorter la partie algérienne à procéder rapidement à la désignation de ses membres au Conseil des hommes d'affaires algéro-iraniens. Mais, qu'est-ce qui explique cet empressement iranien à se redéployer en Algérie ? Si les arguments d'ordre économique peuvent être recevables dans ce contexte, il n'en demeure pas moins qu'une telle réaction ne peut être sans lien avec la pression internationale croissante contre ce pays avec, notamment, l'épisode interminable du dossier nucléaire. Pour l'Iran, il s'agit donc de rechercher des marchés qui échappent plus ou moins à l'influence américaine, car ses partenaires politiques traditionnels (Egypte, Syrie, Liban…) ont connu, ces dernières années, une réelle régression. Conscient ainsi de cette situation, les opérateurs iraniens tentent de desserrer sur eux cet étau en investissant ailleurs. Et dans ce contexte, l'Algérie semble répondre aux critères de choix iraniens. Mais, pour le correspondant de l'Irna — l'agence de presse officielle iranienne — à Alger, “il n'y a aucun lien entre ce redéploiement des hommes d'affaires de son pays et la crise du nucléaire”. “L'industrie iranienne a réalisé ces dernières années d'importantes avancées, ce qui a permis de dégager des excédents dans de nombreux produits. Des initiatives ont donc été entreprises afin de trouver des marchés et de réaliser des partenariats fructueux avec les pays amis”, argue-t-il. D'après lui, même s'il existe actuellement une tension entre l'Iran et les Etats-Unis, cela n'a pas déteint sur les rapports entre les deux peuples et entre les hommes d'affaires des deux bords. L'Iran veut-elle utiliser des rapports poussés dans le domaine économique avec l'Algérie afin d'entraîner cette dernière dans ses options, notamment d'ordre nucléaire ? Bien que pour le moment l'on ne puisse préjuger de quoi que ce soit, les relations commerciales entre les deux pays n'ont pas atteint un niveau qui permet d'entrevoir un partenariat renforcé sur des questions aussi sensibles. L'Iran, il est vrai, veut mettre, apparemment, tous les atouts de son côté en usant de tous les arguments possibles comme le démontre la déclaration du président de la Chambre iranienne de commerce, qui a estimé que “l'Iran et l'Algérie peuvent constituer une base pour la mise en place d'un marché islamique commun”. Reste à savoir si de tels projets peuvent soulever l'intérêt de la partie algérienne. Hamid Saïdani