Après Moscou et Washington, le général-major, Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'ANP, s'est rendu hier en France, pour une visite officielle sur invitation du chef d'état-major des Armées françaises, le général d'armée Henry Bentegeat. Cette première visite du général major, Gaïd Salah, en France fait suite à celle effectuée en Algérie par le chef d'état-major des Armées françaises les 16 et 17 juin 2003. Elle s'inscrit, selon le communiqué du ministère de la Défense nationale, dans le cadre “des perspectives de développement des relations de coopération militaire bilatérales”. Elle permettra également aux deux chefs d'état-major d'examiner les questions d'intérêt commun. Le CEM a été reçu, hier, par Michèle Alliot-Marie, la ministre française de la Défense. Depuis quelques années, les deux armées essayent de construire et de dynamiser leur coopération. Celle-ci vise à traduire sur le terrain de la défense une volonté insufflée au plus haut niveau politique. Cela s'est traduit par le déplacement en Algérie du CEM français suivi de peu de la première visite de la ministre de la Défense française en juillet 2004. Le déplacement “historique” de Michèle Alliot-Marie à Alger était considéré comme étant “le meilleur signe de la normalisation entre les deux pays”. D'autant qu'il constituait une première depuis l'Indépendance. La ministre française était venue “parler de partenariat en matière de défense”. Ce nouveau partenariat souhaité “très large” dans le domaine de la coopération militaire aurait dû être concrétisé dans un accord cadre de défense que Alliot-Marie avait estimé réalisable dès l'automne suivant. Le projet, dont le contenu est encore inconnu mais dont les grandes lignes avaient été en partie annoncées, devrait comporter trois volets portant sur la formation des troupes algériennes, la modernisation de leur équipement et la conduite d'exercices communs. La France et l'Algérie envisageaient, selon les déclarations de Michèle Alliot-Marie à Alger, “des accords d'armement dans l'idée de l'interopérabilité entre nos forces”. C'est sur ce dernier point que pèche la construction d'une coopération militaire importante. Entre l'ANP et l'Armée française, le problème de l'interopérabilité et de la compatibilité reste un fossé difficilement surmontable, notamment en matière d'équipement et d'armement. En prime du contentieux historique, il est à l'origine de l'absence de coopération militaire réelle. L'Armée algérienne, qui se rapproche plus de l'architecture de l'Armée russe que de son homologue française, a des demandes et des besoins spécifiques que les français ont été peu empressés à combler. Il s'agit principalement des équipements nécessaires à la lutte antiterroriste tels que les équipements de vision nocturne, ou ceux des hélicoptères. Des accords de défense ont été conclus entre Alger et Paris en 1967 et 1983, mais ils n'ont pas donné lieu à une vraie collaboration. Seul le volet formation a été traduit concrètement sur le terrain. Des militaires algériens sont formés dans les écoles militaires françaises. L'on évoquait dans le sillage de la visite de Michèle Alliot-Marie à Alger, l'acquisition de rafales et de mirages pour équiper l'aviation militaire. Le projet n'a jamais été réalisé. Les coûts humain et matériel de ces acquisitions ont été jugés trop lourds d'autant que les appareils français ne s'intégraient pas non plus dans l'architecture de l'Armée algérienne. La majeure partie de l'aviation est d'origine russe, les hommes ayant également été formés sur ce type d'appareils. Entre un coût excessif et des pesanteurs politiques, les algériens n'ont pas fait à ce sujet de “cadeau” aux français. Ces derniers ont de tout temps eu un pied naturel au Maroc. La modernisation et la professionnalisation de l'ANP étant un objectif plus que prioritaire. Alger veut absolument mener à terme cet impératif allié à la lutte antiterroriste, à la sécurité en Afrique du Nord et dans le bassin méditerranéen. Le redéploiement stratégique des relations internationales de l'ANP tant au plan bilatéral et multilatéral le prouve. Russie, USA, OTAN, l'intérêt accordé par les pays étrangers ou les organisations internationales à cet effort est certain. Le chef d'état-major et les délégations militaires sont reçus au plus haut niveau, que ce soit à Moscou ou à Washington. L'ordre des déplacements effectués donne pour sa part une lecture sur les priorités de l'Armée algérienne. D'autant que l'accord de défense est également conditionné à la signature du traité d'amitié. Samar Smati