Ce projet de loi, qui met fin au regroupement familial, est déjà dénoncé par le Parti socialiste. Les ONG et les associations y voient une atteinte aux droits de la personne, en plus du fait qu'il favorise la précarité et l'immigration clandestine. Dans un climat politique tendu et dans un pays agité par une campagne électorale avant l'heure, les députés français ont entamé mardi dernier l'examen du projet de loi du ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, durcissant l'entrée et le séjour des étrangers au nom de la volonté d'instaurer une immigration “choisie”. Le texte est dénoncé par l'opposition de gauche, des ONG et des associations chrétiennes comme portant atteinte aux droits de la personne, favorisant la précarité et la hausse du nombre de clandestins. Dans un pays qui a connu une violente crise des banlieues à l'automne, contraignant le gouvernement à y instaurer l'état d'urgence, l'immigration devrait être un des thèmes majeurs de la campagne présidentielle de 2007. M. Sarkozy, qui vise la présidence, a été accusé par la gauche de vouloir courtiser les électeurs de l'extrême droite raciste et xénophobe. “Si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter”, a-t-il lancé, il y a quelques jours, reprenant un slogan du souverainiste Philippe de Villiers qui l'avait lui-même emprunté aux ultras Américains. “Love America or leave it”, disaient-ils. Estimant que l'immigration familiale reste dominante, M. Sarkozy qui dirige l'UMP, le parti au pouvoir, veut encourager l'immigration “à des fins professionnelles”, qui représente “à peine” 5% des flux actuellement. C'est ce qu'il appelle une immigration “choisie” et non plus “subie”. Le texte de loi prévoit notamment un durcissement du regroupement familial. S'il veut faire venir sa famille, un étranger devra disposer d'un travail procurant des ressources équivalentes au moins au salaire minimum (environ 1 200 euros) et résider en France depuis plus de 18 mois. Les étrangers devront notamment s'engager à apprendre le français et respecter l'égalité hommes-femmes. La régularisation ne sera plus automatique au bout de 10 ans comme cela se faisait jusque-là et lorsqu'on peut présenter les preuves de cette présence. Le projet instaure aussi une carte de séjour de trois ans destinée à des migrants “hautement qualifiés”, comme des informaticiens, ingénieurs, artistes. Le gouvernement a rejeté toute idée de régularisation massive de clandestins, comme en Espagne. Une idée partagée même par des responsables socialistes comme Dominique Strauss-Kahn, candidat potentiel à la présidentielle, favorable à une régularisation au cas par cas. Les autorités françaises estiment le nombre de clandestins entre 200 000 et 400 000, un chiffre inférieur à la réalité, selon d'autres sources. Selon des statistiques officielles, la France comptait en 1999 quelque 4,33 millions d'immigrés en situation régulière ou non, soit quelque 7,4% de la population (hors les territoires d'Outre-mer). Ce chiffre n'inclut pas les étrangers ayant accédé à la nationalité française. Le système “d'immigration choisie” a été dénoncé par des partis de gauche, et des associations qui accusent le gouvernement de vouloir vider les pays du sud de leurs cerveaux. “On garde les meilleurs et on renvoie les pires, ce n'est absolument pas chrétien”, a dit le cardinal de Lyon (Centre-Est), Mgr Philippe Barbarin. Au sein même de l'UMP, le secrétaire national chargé des questions d'immigration, Abderrahmane Dahmane, originaire de Mécheria, s'est subtilement démarqué de son chef en demandant qu'on ne touche pas à la politique de regroupement familial et au principe de régularisation après 10 ans de clandestinité (voir encadré). Selon le principe de la primauté des accords bilatéraux, la loi ne devrait pas concerner les Algériens surtout en matière de regroupement familial. L'immigration algérienne est gérée par un accord de 1968 révisé en 1999. Y. K.