“Les terroristes élargis auront-ils un casier judiciaire vierge ?” s'interroge Luis Guerrato, ambassadeur de l'UE à Alger. Dans ce cas-là, le problème se posera pour les visas, car les pays de l'Union européenne ne délivrent pas de visas pour les personnes impliquées dans des affaires de terrorisme. Des pays de l'Union européenne ont formulé, auprès des autorités algériennes, le souhait d'avoir une liste complète des éléments des groupes armés sortis de prison dernièrement grâce aux dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, apprend-on auprès d'un haut responsable du corps diplomatique à Alger. Selon la même source, la levée de la contrainte de consulter obligatoirement les pays de l'espace Schengen pour l'octroi de visa aux Algériens risque d'être compromise si Alger ne répond pas favorablement à cette requête. Interrogé sur le sujet, le président de la délégation de la Commission européenne à Alger, Lucio Guerrato, a déclaré à Liberté qu'il ne relevait pas de la compétence de la Commission européenne de demander les noms des terroristes libérés, car celle-ci ne délivre pas de visas. Il pense que le problème intéresse plutôt les pays concernés par le système Schengen. “L'Europe ou les Etats-Unis peuvent y recourir. Cela relève de la logique.” L'effacement de l'inscription, dans leur casier judiciaire, des crimes des détenus pour des affaires liées au terrorisme, mesure annoncée dernièrement par le directeur adjoint de la modernisation de la justice et confirmée, deux jours plus tard, par le parquet général, a accentué l'inquiétude des pays de l'Union européenne. Car l'antécédent criminel des détenus élargis ne figurera que sur le bulletin du casier judiciaire B1 qui ne sera accessible qu'aux services de sécurité et de la justice. Blanchis de leurs crimes, réhabilités dans leurs droits civiques, les terroristes pourront logiquement se faire délivrer un passeport et formuler une demande de visa. “Les terroristes élargis auront-ils un casier judiciaire vierge ?” s'interroge Luis Guerrato. “Dans ce cas-là, le problème se posera pour les visas, car les pays de l'Union européenne ne délivrent pas de visas pour les personnes impliquées dans des affaires de terrorisme.” Sollicité pour un point de vue juridique, un conseiller au niveau de la cour d'Alger affirme que la délivrance d'une autorisation de sortie du territoire national est une démarche purement administrative, relevant du ministère de l'Intérieur, seul habilité à décider de délivrer un passeport ou pas. Selon notre interlocuteur, de tels cas ne relèvent pas des prérogatives de la justice. La réincarcération, à la demande de la France, de M'hamed Benyamina après sa libération dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, illustre bien l'opposition de certains pays européens et des Etats-Unis aux interprétations parfois larges du texte présidentiel. Benyamina est accusé d'être le commanditaire d'opérations terroristes ciblant le siège de la DST, l'aéroport d'Orly et le métro de Paris. Il est l'objet d'un mandat international délivré par le juge français Jean-Louis Bruguière. Trois autres détenus, recherchés par la justice américaine pour leur lien avec le réseau d'Ahmed Ressam, ont été également remis en prison pour, selon les explications du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Yazid Zerhouni, “d'autres crimes non couverts par la charte”. Si ces deux pays n'ont pas dénoncé officiellement ces libérations, on sait qu'ils ont au moins attiré l'intention des autorités algériennes sur ce qu'a appelé notre ministre de la Justice “des erreurs d'appréciation” des magistrats algériens. Nissa Hammadi