Le successeur de Abderrezak El-Para, l'homme fort du désert version salafiste, Mokhtar Belmokhtar, alias Abi Abbes El-Khaled, sort de l'ombre et dévoile la stratégie du GSPC dans le Grand-Sud. Alors que l'on croyait Mokhtar Belmokhtar, le chef des troupes terroristes du GSPC, en déclin, dans le Sahara, et qu'on évoquait des négociations en vue de son éventuelle reddition, l'homme refait surface. Dans un entretien publié le 8 mai dernier sur la vitrine web du GSPC, il a réaffirmé son engagement à poursuivre son “œuvre”. Le chef des groupes terroristes du Sud menace d'y entraîner même toute la région. Citant Oussama Ben Laden et Ibn Taimia, Belmokhtar, recherché par les forces de sécurité algériennes, Interpol et les armées de la région sahélienne, n'en démord pas. “Heureux celui qui meurt en martyr”, fait-il sienne cette phrase du fondateur d'Al-Qaïda. Expliquant les motifs de l'attaque de la caserne de Lemgheity en Mauritanie, Belmokhtar met à nu des enjeux qui dépassent le territoire mauritanien. L'opération, intitulée “Ghazouate Badr” n'est, selon lui, qu'une phase “préliminaire” visant à “avertir” les états de la région que le GSPC n'entend pas “rester les bras croisés”. Notamment vis-à-vis, précise-t-il, de “la présence importante et des activités des forces américaines dans le Sahel et le Sahara algérien”. Il s'agit là des manœuvres combinées avec les forces américaines dans le cadre des opérations Flintlock impliquant le Mali, le Niger, la Mauritanie et l'Algérie. “Il y a eu de grands mouvements des armées de ces pays avec l'aide des Américains. Nous avons eu de nombreux accrochages, nous avons organisé des embuscades”, précise-t-il, citant celle ayant visé les troupes antiterroristes nigériennes. Les Américains sont conscients, selon lui, des “tentatives” de connexion du groupe avec Al-Qaïda depuis l'élimination d'Abou Mohamed El-Yamani, abattu, il y a quelques années, dans la région de Batna. L'attaque de Lemgheity a été diligentée après que le GSPC eut acquis la “conviction que le régime mauritanien a complètement prêté allégeance aux Américains et aux Israéliens”. Particulièrement, après la visite de “Sylvain Shalom” à Nouakchott, et la préparation des manœuvres conjointes avec les Américains dont “la base terrestre pour l'occasion était la région de Lemgheity”. Belmokhtar estime que l'attaque a été “l'élément principal de la chute du régime de Ould Taya”. La préparation de l'opération, affirme-t-il, n'a pas nécessité un “grand” temps. “Nombre de points et d'objectifs militaires faisaient l'objet d'une surveillance depuis des années..” Des propos qui sonnent comme une menace déguisée. Le plan d'attaque a cerné les passages et chemins de replis, la préparation du matériel et des armes. “Nous nous y sommes rendus par des chemins non connus pour éviter les repérages des opérations militaires en cours”. Trois groupes terroristes et deux groupes de soutien mobiles ont, selon lui, opéré. “L'attaque a été coordonnée. Nous avons choisi comme heure, 6h30 du matin”. Les militaires mauritaniens ont été surpris par “un feu nourri” visant en premier les transmissions “pour empêcher tout soutien extérieur”. L'opération a duré, selon lui, 4 heures. Le groupe de Belmokhtar a ainsi récupéré dans cette opération un véritable arsenal. “Un canon de type SPG9, deux batteries antiaériennes (14.5, 12.7), 58 mitraillettes, 2 RPG7, près de 5 000 munitions et sept véhicules Toyota”. L'attaque s'est soldée par la mort de 15 militaires mauritaniens, dont le commandant de la base qui a été “exécuté”, un nombre équivalent de blessés, l'élimination de 6 terroristes et la capture d'une trentaine de militaires. En accord avec les “moudjahidine mauritaniens”, qui avaient été “consultés” au préalable, le GSPC a décidé contrairement à ses habitudes de libérer les captifs. La libération des militaires mauritaniens a eu, selon lui, un effet “positif”. Celui de faire connaître en Mauritanie et ailleurs, l'objectif caché derrière les opérations militaires du “djihad” salafiste version GSPC de Belmokhtar. “Il s'agit de l'élimination des régimes affiliés aux Américains, et à ce titre, qui s'appelle Israël ainsi que l'anéantissement de la présence sioniste et juive dans nos pays qu'elle soit sous forme de bases militaires (renseignements) ou de sociétés multinationales”, menace Mokhtar Belmokhtar. La date de la publication de cet entretien coïncide curieusement avec celle de la visite du président mauritanien Ely Ould Mohamed Vall à Alger ainsi qu'avec l'engagement réitéré des pays de la région à combattre le terrorisme et à sécuriser les frontières. L'“émir” de la région sud vient de se dévoiler et par là même de dévoiler sa stratégie pour toute la région. Samar Smati