Belkhadem et Soltani regardent peut-être un peu trop la télévision ces derniers temps. Ils veulent déposer une motion de censure. C'est peut-être “les effets positifs” de la colonisation. Pour qu'il y ait motion de censure, il faut qu'il y ait opposition. L'un d'eux pourrait bien jouer les François Bayrou, mais il manquerait un François Hollande pour se permettre une initiative de sanction parlementaire. En un mot, il faut un parlement, un vrai. Où les députés votent en fonction de leurs convictions. Ou, au moins, en fonction des directives de leur parti. Si l'on n'est pas opposant, on peut, au mieux, jouer les Sarkozy, avec le talent et l'autonomie en moins. D'ailleurs, l'opposition algérienne est réduite à une consistance symbolique, pour prévenir ce risque de remise en cause de l'ordre décidé. “Principe de précaution”, pour rester dans le vocabulaire parisien et pour paraphraser Chirac argumentant son projet de réforme constitutionnelle en faveur de l'environnement. Tout cela fait qu'il devient absurde de parler de motion de censure ou de toute procédure d'obstruction à la démarche de l'Exécutif… y compris quand elle vient de la majorité de l'Exécutif. Il n'y a que les journalistes qu'on peut censurer. Et même les cogner. Nos institutions, largement inspirées de la construction française, auraient pu constituer l'un de ces effets positifs, sauf que c'est la copie frelatée du modèle de l'ancienne métropole. Un modèle parlementaire avec l'impuissance absolu du parlement : si bien que le parti majoritaire, qui en théorie a droit à conduire l'Exécutif, en est réduit à menacer — inutilement — le gouvernement de motion de censure. Parodie de parlementarisme. Et effets négatifs du néo-colonialisme, où l'on se met à mimer les institutions de l'ex-puissance colonisatrice pour les mutiler, avec l'applaudissement mi-complice mi-moquerie de l'ancien occupant devenu modèle politique. Pour mieux nous anesthésier, il se pâme parfois théâtralement devant les progrès de notre démocratie et atteste que les résultats de nos élections “ne souffrent d'aucune contestation”. Le lexique démocratique fait office de démocratie : sénat, assemblée, proposition de loi, questions orales, seconde lecture et même… motion de censure. On s'y croirait, si on avait entendu le président de l'APN remercier le président de la République d'avoir placé sa confiance en lui, le jour où ses pairs étaient supposés l'avoir élu à la tête du pouvoir législatif indépendant. Ce n'est donc pas ainsi que cela se passe, messieurs Belkhadem et Soltani. Notre système ne change par la voie de ses institutions. Mais, comme tout le monde le sait, à coups de “redressement”. Le tout est donc de scruter l'horizon pour tenter de deviner qui redressera qui et de se mettre du bon côté. Le vote viendra après. Les électeurs, c'est fait pour ça ; les élus, c'est fait pour ça. Même la presse, c'est fait pour ça : à part l'ENTV qui ne couvre que les choses sérieuses et redressées, la presse s'est candidement émue de votre menace de motion de censure. Comme à la télé. Comme en démocratie. M. H. [email protected]