L'échec d'un sommet extraordinaire n'a pas découragé le président égyptien, qui, en accord avec l'émir de Bahreïn, pays hôte du sommet ordinaire, initialement prévu pour le 24 mars, avance le rendez-vous pour le premier du mois prochain et le déplace au Caire. Les divergences arabes n'ayant pas permis la convocation d'un sommet arabe extraordinaire, tel que souhaité par le raïs égyptien, se seraient-elles rapidement dissipées pour pousser Mohamed Hosni Moubarak à convaincre cheikh Hamad Ben Issa Al-Khalifa, émir de Bahrein, d'avancer la date du sommet ordinaire ? La question mérite d'être posée, car les séances houleuses de la réunion informelle des ministres arabes des affaires étrangères, samedi et dimanche derniers dans la capitale égyptienne, ont laissé peu d'espoir aux observateurs de voir les Arabes adopter une position commune au sujet de la crise irakienne. Le linge sale a été déballé à l'occasion de cette rencontre, dont le communiqué commun a été contesté par le Koweït. Les positions étaient tellement divergentes que l'idée d'un sommet extraordinaire a été tout simplement abandonnée. En revenant à la charge, Moubarak prend un sérieux risque de voir son initiative vouée à l'échec, tant les chances d'aboutir à un consensus arabe sur l'Irak semblent minimes. Cela relèverait du miracle de pouvoir rapprocher les positions de certains émirats du Golfe, devenus des bases arrières américaines, de celles des pays souhaitant condamner toute agression américaine contre Bagdad. Il faut reconnaître que les intérêts des uns et des autres sont loin d'être proches. La tentative du président égyptien intervient dans un contexte peu favorable aux initiatives diplomatiques, car les Etats-Unis s'engagent dans une phase très active afin d'obtenir le feu vert de l'ONU pour attaquer l'Irak. Washington envisage, en effet, de présenter lundi prochain un projet de résolution aux conditions draconiennes, qui imposerait à l'Irak un ultimatum pour répondre à des questions très précises, pour démontrer qu'il a violé les dispositions de la résolution 1441. Cela vise à renverser la majorité au conseil de sécurité de l'ONU, actuellement acquise à la thèse de la poursuite des inspections. En attendant, les forces américaines stationnées dans la région du Golfe sont opérationnelles, à en croire le secrétaire d'Etat américain à la défense Donald Rumsfeld. Selon lui, elles n'attendent que l'ordre de George Bush pour envahir l'Irak par le Sud. Cependant, un problème de taille contrarie le chef de la maison-Blanche, qui n'arrive pas à convaincre la Turquie de lui ouvrir ses bases militaires d'Incirlik et de Diar Bakir. Les vingt-quatre milliards, dont six sous forme de dons, proposés par Washington à titre de compensation sont loin de satisfaire l'appétit d'Ankara, qui en demande pas moins de quarante. Pis, les Turcs ne veulent même pas attendre que le congrès vote la loi autorisant la dépense. Ils comptent encaisser l'argent dès que la première balle est tirée par les soldats américains en Irak. C'est dire que le pays d'Erdogan marchande ferme, mettant en avant sa survie économique, sans se soucier de la paix. Reste à savoir jusqu'où peuvent aller les Etats-Unis dans leurs concessions, du moment que les bases turques sont indispensables pour l'ouverture d'un front par le Nord contre l'Irak. K. A. Moscou fait pression sur Bagdad La Russie, qui souhaite éviter un conflit en Irak, a fait pression jeudi sur Bagdad en exigeant "une totale coopération" avec les inspecteurs internationaux, tout en annonçant parallèlement qu'elle ne renonçait pas à utiliser son droit de veto en cas de nouvelle résolution "musclée" aux Nations Unies. Le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, a estimé, à l'issue d'une rencontre à Moscou avec son homologue indien Yashwant Sinha, que "Bagdad, en stricte conformité avec la résolution (1441), doit accorder toute la coopération nécessaire aux inspecteurs internationaux et faire preuve d'une ouverture maximale". M. Ivanov a également dénoncé de "fortes pressions" exercées sur les inspecteurs en désarmement. Celles-ci visent, a-t-il dit, "à provoquer leur départ d'Irak, comme ce fut le cas en 1998", afin qu'ils présentent ensuite devant le Conseil de sécurité de l'ONU "un rapport qui permettrait de servir de prétexte au lancement d'une opération de force".