La presse française, et à sa tête le fameux quotidien spécialisé L'Equipe, n'a pas fait dans la dentelle hier matin pour descendre en flammes le capitaine des bleus, faisant du geste malheureux de Zidane un abcès de fixation et effaçant presque de manière quasi systématique tout ce que l'homme a apporté au football mondial en général et au football français en particulier durant les dix dernières années. Si la réaction qu'on peut qualifier d'épidermique de Zidane contre Materazzi est tout à fait condamnable, le traitement qu'ont réservé les journaux de l'Hexagone à cet événement est des plus inexplicables. Mais, il faut dire que tout cela n'est pas nouveau et il est loin de constituer une surprise chez une presse qui a toujours fait preuve de mauvaise foi lorsqu'il s'est agit d'aborder les exploits des français d'origine étrangère. Zidane doit le savoir, lui qui a déjà fait l'expérience, à plusieurs reprises, de cette volte-face des journaux français à son égard tout aussi prompts à l'aduler qu'à le brûler. “Qui aime bien châtie bien”, dit le dicton. Il a suffit de deux matches nuls contre la Suisse et la Corée du Sud pour que ces médias ouvrent de nouveau le feu sur les bleus et à leur tête l'entraîneur et le capitaine Zizou. Le premier est tout simplement qualifié d'incompétent alors qu'on reproche au second d'être très loin de sa forme habituelle avec à la clé une suspension pour le troisième match contre le Togo. Et même la qualification dans la douleur au deuxième tour n'avait pas réussi à calmer les critiques à l'égard des Bleus. Et pour porter un pied de nez à tous ces donneurs de leçons, Zidane et les bleus entament le deuxième tour sur les chapeaux de roue, balayant sur leur passage et dans le désordre le Brésil, l'Espagne et le Portugal. Et à chaque victoire, les manchettes de la presse française étaient réservées au dieu Zidane qui a déclenché autour de lui les éloges les plus extraordinaires, lui qui était à l'orée de sa carrière. Au lendemain de la qualification pour la finale, cette presse, très critique en début de tournoi, glorifie désormais à l'unisson son équipe nationale, relayant l'euphorie de tout un peuple après la victoire des Bleus sur le Portugal. “Le but de leur vie”, titrait à la une le quotidien sportif L'Equipe pour qui les Bleus “ont à nouveau surpris en allant par la même occasion au bout d'eux-mêmes”. “Cette accession à une deuxième finale de Coupe du monde, huit ans après celle de 1998, légitime l'excellence d'une génération mais aussi de tout un football. La planète entière sait désormais que la France peut flamber lors d'une autre Coupe du monde que celle qu'elle joue à la maison”. Mais au lendemain de la finale perdue contre l'Italie, ce même journal ne met pas de gants pour organiser le procès de celui qu'il adulait quelques jours auparavant seulement. Le quotidien Le Parisien exigeait même l'érection d'une statue à la gloire de Zizou. Mais après la défaite, ce n'était plus la France qui a perdu une finale de coupe du monde, les journalistes français semblent avoir découvert l'attraction : le geste de Zidane. “Le pays perd une star sans gagner une étoile”, résume Jean-Michel Thénard dans Libération. Yves Thréard, du Figaro, parle lui de “l'ultime et odieux coup de tête”, une “inadmissible vengeance” qui “gâche la sortie et l'image” de Zinedine Zidane. “On était sans voix devant une telle bêtise”, ajoute-t-il. Pour Pierre Taribo, dans L'Est Républicain, “Zidane a raté sa sortie”, a disjoncté comme il l'avait déjà fait parfois dans sa carrière et “la France du football (...) frémit de réprobation, d'incompréhension et de tristesse”. Mais, dans toute cette masse d'âmes indignées quelques voix se sont, tout de même, élevées pour rappeler à tout un chacun ce que l'on ne doit pas oublier de Zidane. Jean-Christophe Giesbert met en garde “les censeurs qui sermonneront le grand, l'immense Zinedine Zidane pour son mauvais geste en oubliant que le dieu du football est avant tout un homme de chair et de sang, sujet, comme chacun de nous, aux faiblesses et aux colères”. Mais déjà avant la finale, Zizou, qui vient d'être sacré meilleur joueur de la coupe du monde, avait promis : “Moi, je ferai un bilan à la fin. Les bonnes critiques, il faut les accepter, celles qui sont constructives. Mais il y a des mecs qui ne touchent pas un ballon et qui se permettent de dire n'importe quoi. Moi je ne vais pas me gêner à la fin pour parler.” Hamid Saïdani