Une présentation (non exhaustive) du groupe permet une lecture somme toute arbitraire mais pas loin de la réalité. Les menaces de chute de l'empire Khalifa ont de quoi inquiéter tout gouvernement qui se respecte. Construit grâce aux activités pharmaceutiques lucratives de son légataire de président, bâti autour des luxuriantes opérations de sa banque, le groupe occupe, depuis quelques années, un espace pour le moins important dans le marché de la finance et de l'emploi. Son effondrement, dont l'évidence est loin d'être acquise à la phase actuelle de la crise, plongerait ses quelque 15 000 employés dans le chômage. Khalifa est devenu un pôle attractif : récemment, à son siège de Chéraga, dans la banlieue algéroise, des centaines de personnes se sont précipitées dans l'espoir de décrocher un poste de travail suite à une offre d'emploi. La même ruée a été enregistrée au lancement de sa compagnie aérienne, pour le recrutement des hôtesses de l'air. Khalifa a, en plus, la réputation de bien rémunérer. Beaucoup de journalistes sont ainsi passés à KTV dans l'espoir de relancer leur carrière sans même prendre connaissance des aspirations de la chaîne. Les pilotes d'Air Algérie, à l'instar de plusieurs de ses cadres, ont aussi préféré oublier leurs vingt années de service à Air Algérie pour mettre leur expérience en faveur de la compagnie privée. La foudroyante ascension de Khalifa connaît donc un brutal ralentissement au grand malheur d'une économie qui a toutes les raisons du monde d'en frémir. Le groupe Khalifa est aujourd'hui symbolisé par ses deux joyaux : El Khalifa Bank et Khalifa Airways. Un troisième vient s'y coller : KTV, un canal destiné à renforcer l'empire et à défendre le prestige de son président et l'image de marque de son pays. El Khalifa Bank est, (était en tout cas), la plus importante banque privée d'Algérie en termes de réseaux. Ses 80 agences disposent d'un capital social de 500 millions de dinars. La filière Construction du groupe, qui a racheté, après faillite, l'entreprise allemande Holzmann, participe à divers appels d'offres. Elle a notamment remporté des contrats de réalisation de voies ferrées, comme c'est le cas de la tranche Arzew-Oran. KRG Pharma, KRC (location de voitures) et la filière Immobilier constituent des appendices du groupe. Khalifa a fait l'intermédiaire entre l'Office national de la commercialisation du vin (ONCV) et des partenaires français dans des opérations d'exportation du vin algérien vers l'Hexagone. Khalifa Airways, désormais célèbre dans le monde de l'aviation aérienne, dispose de son côté de près de trente appareils. La plupart de ces avions ont été contractés à la faveur de contrats de leasing, ces fameuses conventions qui offrent au bénéficiaire de faire valoir, au terme de l'opération, une option d'achat sur les appareils. Khalifa a, dans ce registre, des relations privilégiées avec des firmes turques et canadiennes. En saison estivale, la compagnie affrète même ses avions, sur certaines destinations comme Paris, à Air Algérie avec laquelle elle est, par ailleurs, liée par une convention. Khalifa Airways assure près de 70% du trafic domestique et une part importante du réseau international. Elle est surtout présente en force en Espagne où elle dessert quatre villes (Madrid, Barcelone, Malaga et Palma), en France et même au Moyen-Orient. La compagnie a, à plusieurs reprises, mis sa flotte au service des clubs sportifs algériens, notamment les équipes nationales et les équipes de football. Ses avions ont également transporté des délégations ou des personnalités diverses, que ce soit en Europe, en Asie ou en Afrique. A ce propos, Khalifa est le principal sponsor du football algérien. En 2001, Abdelmoumen Khelifa a passé un contrat de sponsoring avec l'Olympique de Marseille pour près de 11 millions d'euros sur trois ans. Il y a quelques mois, il a passé un contrat similaire avec l'équipe de rugby de Bègles, près de Bordeaux. La chute du groupe serait un vrai cataclysme pour l'économie algérienne. Outre les emplois, des marchés seraient remis en cause et des transactions annulées. L'Etat, qui, apparemment, a fermé les yeux, finit par les ouvrir dans la plus grande suspicion. Personne ne dira : “Je ne savais pas.” La responsabilité exige la transparence. La transparence suppose l'honnêteté. L. B.