Quand j'ai arraché mon “reçu de demande d'inscription au fichier électoral” de ma municipalité de résidence, j'ai, un instant, pensé à l'encadrer. Depuis le temps que je galère à monter mes dossiers administratifs, faute de “certificat de résidence”, me voici enfin libéré : je peux enfin prouver que je peux voter dans une commune, où subsidiairement j'habite. Régulièrement refoulé des guichets de mairie où je me présente, contrat de location en main, je m'en tiens depuis longtemps au strict minimum : passeport, permis de conduire, carte d'immatriculation du véhicule. Ce document est si précieux qu'on vient d'inventer, comme pour les diplômes, l'attestation, forme inférieure de preuve de résidence qui témoigne de votre présence dans la commune sans certifier votre citoyenneté municipale. Ce qui institue une étrange discrimination entre ceux pour qui l'administration ne peut qu'“attester” de la résidence et ceux dont elle peut “certifier” la résidence, d'une part, et entre l'usage de l'une et l'usage de l'autre, d'autre part. Le manque de coordination entre administrations fait que la règle de hiérarchie des formes, en fonction du statut du bénéficiaire (l'attestation vaut plus pour les “hébergés” que pour les résidents) et la destination du document, n'est pas encore bien intégrée aussi si bien par celui qui délivre que par celui qui demande le document résidentiel. Si vous tombez dans le piège de ce malentendu interbureaucratique, il risque de vous coûter bien des va-et-vient entre deux guichets. C'est l'appréhension de la demande de logements sociaux qui est à l'origine de la gloire du certificat de résidence. Des citoyens s'évertuent à s'inscrire sur la liste de plusieurs villes et arrondissements pour augmenter leurs chances de décrocher un appartement d'habitation sociale, ou autre aide au logement ou à la construction. Il se pourrait que même une fois satisfaits, ils iraient retenter l'opération plus loin. Mais pourquoi pas, au lieu de cet usage détourné du fichier électoral, un fichier résidentiel qui servirait à enregistrer les changements d'habitation et préviendrait de la multiple résidence administrative ? L'on comprend la défaillance organisée d'un éventuel fichier de logements : celui-ci serait incompatible avec la pratique du népotisme, du passe-droit et de la corruption suscitée par la fonction du logement social, car beaucoup de responsables et d'élus préféreraient qu'il n'y ait point de traces des abus cumulés en la matière. Si en dissimulant des pratiques peu amènes, on sert l'enrichissement du fichier électoral, tout le monde trouve son compte : responsables politiques et responsables administratifs ! Car la démarche fait que le statut de votant communal prime sur la preuve de résidence formelle (contrat de location, par exemple) et institue une espèce de chantage administratif à l'inscription électorale. L'abstention ou la non-inscription étant le cauchemar des régimes non démocratiques, tous les moyens sont bons pour les combattre. Entre le châtiment et la participation à la démocratie spécifique, il faut choisir. M. H. [email protected]