La colère provoquée au sein des partis politiques et des organisations de la “famille révolutionnaire” par la loi française du 23 février glorifiant la colonisation ne semble pas remettre en cause la volonté d'Alger et de Paris d'asseoir un partenariat privilégié. Entre Alger et Paris, la tension est retombée, et rien ne semble pouvoir remettre en cause la signature du Traité d'amitié décidée par les chefs d'Etat des deux pays. Le coup de sang provoqué chez le FLN par les parlementaires, qui ont adopté la loi du 23 février “portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés”, n'a pas contaminé les autorités, pas plus qu'il n'a provoqué de crispation auprès du gouvernement français qui assure continuer à travailler “sereinement” à concrétiser les objectifs tracés par les présidents Bouteflika et Chirac. Les parlementaires algériens, irrités par la glorification du colonialisme, pourront réagir comme ils le prévoient, mais le président de la République, qui cumule aussi la présidence du FLN, et le gouvernement d'Ahmed Ouyahia, ont prudemment choisi de ne pas joindre leur voix au concert de protestations animé par la “famille révolutionnaire”. Une réunion conjointe de l'Assemblée nationale et du Conseil de la nation, qui nécessite la présence du président de la République, a d'ailleurs été “exclue” en signe d'apaisement. “Le travail se poursuit normalement”, assure-t-on à Paris en écho au discours tenu par le nouveau ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui. Tout en approuvant la réaction du FLN, tardive, faut-il le rappeler, le chef de la diplomatie n'y voit pas une volonté de “jeter de l'huile sur le feu”. “Le procès du colonialisme a été fait et refait de longue date. Le colonialisme est condamnable et condamné”, plaide-t-il en vue d'exclure toute hypothèse de remise en cause de la refondation bilatérale. Mieux, Mohamed Bedjaoui parle de “sceller la réconciliation entre les deux peuples” grâce au Traité d'amitié devant être conclu avant la fin de l'année. Au demeurant, le FLN avait lui-même pris le soin de ne pas impliquer le peuple français dans la “bévue” parlementaire. Ne sont-ce pas d'ailleurs les associations françaises qui, les premières, sont montées au créneau pour dénoncer la lecture “révisionniste” de l'Histoire ? En France, les signaux ne manquent pas pour exprimer cette volonté de tourner la page d'une histoire douloureuse. C'est bien le sens qu'il faut donner à certaines désignations comme celle de Azzouz Beggag, d'origine algérienne, dans le gouvernement de Dominique de Villepin, d'Assia Djebar à l'Académie française, d'Abderahmane au conseil national de l'UMP, le parti au pouvoir. Dernière en date, la réélection hier de Dalil Boubekeur à la tête du Conseil français du culte musulman (CFCM). Sans l'intervention des autorités françaises, une telle conquête aurait été impossible pour le recteur de la Grande-Mosquée de Paris. Au sein du CFCM, la Fédération nationale des musulmans de France est majoritaire. Et elle est proche du Maroc... Yacine KENZY