Sélectionné au dernier Festival international de la Mostra de Venise, Roma wa la n'touma, de Tariq Teguia, a été projeté dans la soirée de mardi pour la première fois en Algérie. Si l'histoire de ce film, celle des jeunes Algériens qu'un conteneur pour marchandises suffirait à combler de bonheur, n'est pas nouvelle, en revanche la manière de mettre en scène, pour laquelle le réalisateur a opté, n'est certainement pas conventionnelle. Le jeune cinéaste algérien a pris un risque certain. Celui d'oser filmer l'ennui gluant et la détresse silencieuse de Kamel et de Zina, les deux candidats à la “harga”, subis dans le désert d'une ville, Alger, pourtant prise dans une tourmente meurtrière des années 1990. Sans trop de mots, sans trop de gestes, et surtout sans violence. Seules la lenteur et la durée des scènes sont souveraines, le tout filmé dans des décors les plus sordides, les plus gris. Même les comédiens ne semblent pas camper de rôle, et le sujet du film, la violence et le désir, apparaît volontairement en arrière-plan. Il se devine plutôt qu'il ne se décline. On a pourtant du mal à entrer dans Roma wa la n'touma à cause justement de ces durées avares en paroles et en gestuelle. Mais au fil des scènes, filmées en cascade, on se laisse prendre par l'éblouissement du tournis dans lequel évoluent les deux jeunes Algérois. Comme lorsque à bord d'une voiture, les futurs sans papiers cherchent la maison de leur passeur. Ils tournent en rond, font du surplace, pris qu'ils sont dans une spirale sans fin. Ajouté à cela les horribles façades des nouvelles constructions, dont on n'aperçoit que des portions de mur, mais qui accentuent le malaise et témoignent de l'autre horreur urbaine. En tournant le film de cette manière, Tariq Teguia a-t-il réussi son pari ? La réponse se ferait davantage par la positive. “Je me place toujours dans l'expérimentation. Je ne veux pas refaire ce qui a été déjà fait”, avoue le réalisateur. À la fin de la projection, la gêne ressentie lors du film devient découverte. Au moment où l'on qualifie aisément le cinéma algérien de moribond, Tariq Teguia a su démontrer que le néant, à l'image des décors de son film, peut constituer un terreau fertile pour le renouveau du cinéma algérien. Vivement que Roma wa la n'touma soit à l'affiche des salles algériennes. Après l'excellent accueil que lui a réservé, en septembre, la Mostra de Venise. SAMIR BENMALEK