Le procureur général de la Cour d'Alger, M. Daoudi Medjerab, nous a déclaré, hier, que le ministre d'Etat et président du MSP, Abou Djerra Soltani, va être convoqué incessamment par la justice pour s'expliquer sur ses accusations se rapportant à l'implication de hauts responsables de l'Etat dans des affaires de corruption. Après avoir affirmé qu'il était en attente d'un contact de la part du président du MSP, pour engager une action judiciaire, le parquet général, encouragé par les déclarations du président de la République et du ministre de la Justice, garde des Sceaux compte, comme l'autorise la loi, s'autosaisir de cette affaire. Prié en marge de la réunion gouvernement-walis, dont les travaux ont commencé samedi dernier, de se prononcer sur cette affaire, le ministre de la Justice a affirmé que le parquet de la République peut s'autosaisir, mais “c'est à lui que revient la décision d'apprécier”. M. Tayeb Belaïz n'a, à aucun moment, dit que c'était déjà fait, ajoutant que “si des personnes ont des dossiers comme elles le prétendent, elles doivent les remettre à la justice, dans le cas contraire, elles se rendront coupables du délit de non-dénonciation ou d'outrage à corps constitué”. Dans le même sillage, le chef de l'Etat a déclaré, durant la même rencontre, qu'il donnerait “des instructions à la justice pour que tout responsable prétendant détenir des dossiers, apporte des preuves ou, alors, il sera lui-même poursuivi en justice”. Tout en soulignant que la lutte contre la corruption est l'affaire de toute la société, le président de la République poursuit : “Je prends à témoin, devant vous, le peuple algérien, pour affirmer que celui qui détient des preuves (cas) de corruption doit les soumettre à la justice et si cette dernière se révèle incapable, je la dénoncerai devant le peuple algérien”. Si la justice a marqué, jusqu'à présent, quelques hésitations à prendre en charge cette affaire, elle est à présent dans l'obligation de se pencher sur ce dossier rapidement, sous peine de se déjuger et entamer la crédibilité du discours présidentiel orienté, ces derniers temps, vers la lutte contre la corruption. Mais, il est fort probable que cet aval politique donné à la justice pour s'autosaisir de l'affaire, soit essentiellement à consommation extérieure. En effet, au moment où la Présidence annonce avoir déclenché une campagne anticorruption, le président du MSP, et non moins ministre de la République, est allé à contre-courant du discours ambiant en prétendant que la corruption en question gangrène justement le sommet de l'Etat. Visiblement irrité, le chef de l'Etat a exprimé sa crainte de voir l'image de l'Algérie à l'extérieur ternie par des déclarations qu'il qualifie d'irresponsables, appelant Soltani à faire de la politique “en dehors des cercles officiels. Précisant un peu plus sa pensée, il ajoute : “Nous avons suffisamment d'ennemis à l'étranger qui voient d'un mauvais œil l'ambitieux programme de développement que nous sommes en train de mettre en œuvre et qui a justement besoin de la crédibilité de l'Algérie”. À noter que Abou Djerra Soltani n'est pas à son premier revers avec la justice. Il a déjà été convoqué pour s'exprimer au sujet du dépôt des fonds de caisse de la sécurité sociale à la Khalifa Bank, alors qu'il était ministre du Travail. En avançant que de hauts responsables de l'Etat sont impliqués dans des affaires de corruption, le président du MSP, a franchi un pas de trop, rompant ainsi le cercle de solidarité qui le liait au système en place. Nissa Hammadi