Alors qu'il doit céder son poste à un Sud-Coréen à la fin du mois, Kofi Annan a, pour la première fois en dix années à la tête de l'Onu, dit ses vérités contre les Etats-Unis. Pour le secrétaire général sortant, l'Amérique de Bush aura bafoué les valeurs fondatrices des Etats-Unis dans sa lutte contre le terrorisme. Annan s'est lâché pour asséner une volée de bois au locataire de la Maison-Blanche qui, de son côté, ne lui a jamais fait de cadeaux. Bush n'avait cesse de lui mettre les bâtons dans les roues dès lors que le secrétaire général de l'Onu avait refusé d'adouber l'invasion de l'Irak. Les Etats-Unis, qui ont historiquement été à l'avant-garde du mouvement des droits de l'homme, ont perdu toute crédibilité, a clamé Annan dans un discours prenant parfois des allures de rappel à l'ordre. Encore qu'il s'est contenté de relater des faits constatés depuis 2003 par la communauté internationale puis même aux Etats-Unis. L'armée américaine, a rappelé Annan, comme pour remuer le couteau dans la plaie, a été au centre de plusieurs scandales en Irak, le camp de détention de Guantanamo et les méthodes de la CIA. Ce qui, à ses yeux, a donné l'image d'une Amérique qui s'est affranchie des règles internationales, alors que les droits de l'homme et l'Etat de droit sont vitaux pour la sécurité mondiale et la prospérité, a encore plaidé Annan. Tout a commencé avec l'invasion de l'Irak, à laquelle il s'était opposée. Lorsque la force, en particulier la force militaire, est utilisée, le monde ne la considère légitime que si c'est dans un but juste et pour des objectifs communs, en accord avec des normes globalement acceptées, a-t-il martelé pour rappeler à Bush qu'il devrait reconnaître qu'il n'avait pas le droit d'agir comme il lui plaisait. Et comme pour le mettre K.-O., Annan a abondamment cité l'ancien président américain, Harry Truman, qu'il a qualifié de pionnier pour avoir contribué à l'émergence des Nations unies. Cette critique des Etats-Unis a valu à Annan des reproches de la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, et de cinglantes répliques d'élus américains néo-conservateurs. Alors que la collaboratrice de Bush s'est désolée que Annan n'ait parlé de choses positives, les néo-conservateurs, en perte de vitesse, ont qualifié les deux mandats du SG à dix années de scandales à l'Onu ! Ils avaient, après 2003, réclamé sa démission à la suite du scandale pétrole contre nourriture ayant permis à l'ancien président irakien, Saddam Hussein, de détourner plusieurs milliards de dollars. Le fils d'Annan a même été épinglé dans cette affaire ainsi qu'une longue liste de personnalités internationales. Annan tire sa révérence avec la satisfaction de voir précéder son départ par celui de l'ambassadeur américain à l'Onu, John Bolton, un proche de Bush, dont l'accréditation allait être rejetée par le nouveau Congrès américain dominé par les démocrates. D. Bouatta