Avec la disparition de ce militant de la cause nationale, intellectuel, homme de lettres, maîtrisant à la perfection les langues arabe et française, c'est une partie de l'histoire du pays qui nous quitte. C'est un monument de la mémoire intellectuelle nationale sans équivalent que l'Algérie perd à travers la disparition de Mostefa Lacheraf, décédé hier à Alger. Militant de la cause nationale, intellectuel, homme de lettres, qui maîtrise à la perfection les langues arabe et française. C'est autant de dimension qui se conjugue dans cet homme qui laissera l'Algérie orpheline de son génie. Militant de la cause nationale, Mostefa Lacheraf fut parmi les cinq responsables de la Révolution, arrêtés le 22 octobre 1956, suite à l'opération pirate qui s'est soldée par l'arraisonnement, par les autorités françaises, du DC3 d'Air Atlas, en partance de Rabat vers Tunis. Universitaire connu pour ses essais sur la Révolution algérienne, Mostefa Lacheraf a vu son destin lié aux figures politiques de la guerre de Libération nationale, suite à son internement à la prison de la Santé (France), en compagnie de Mohamed Boudiaf, Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed et Mohamed Khider. Né le 7 mars 1917 à El-Kerma, douar des Ouleds Bouziane, dans la commune de Sidi Aïssa, dans la région de M'sila, le défunt Lacheraf a enseigné l'arabe au lycée Saint-Louis. Il est issu d'une double culture française et arabe. Lacheraf a fait des études secondaires aux lycées de Ben Aknoun et d'Alger, puis à la medersa Thaâlibiyya, puis des études supérieures à la Sorbonne. Il a adhéré au Parti du peuple algérien en 1939 et il a exercé en qualité de juge à Boussaâda en 1942-1943. Le défunt a contribué à la rédaction de l'Etoile Algérienne, journal de la Fédération de France du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). Vers la fin des années 1940, marquées par la crise du PPA de 1949, Lacheraf s'est manifesté par des contributions régulières aux revues Esprit, Les Temps Modernes, Les Cahiers internationaux et Présence africaine, où il a publié ses premiers écrits sur l'histoire du nationalisme algérien. Militant actif du Front de libération nationale (FLN) dans l'émigration, il est devenu membre de la Fédération FLN de France avant de rejoindre l'Espagne vers la fin septembre 1956. En Espagne, il a rencontré Mohamed Khider, membre de la délégation extérieure du FLN, qui activait à partir du Caire. Ce dernier lui a demandé d'intégrer la délégation officielle du FLN devant se rendre au Maroc et en Tunisie. Membre du Conseil national de la révolution, le défunt Mostefa Lacheraf a participé au congrès de Tripoli. Il a été parmi l'équipe qui a rédigé le Programme de Tripoli, au sein de laquelle il a défendu avec ferveur la notion de “la Révolution démocratique et populaire”. Ex-rédacteur en chef du quotidien El Moudjahid, Mostefa Lacheraf a également occupé des postes diplomatiques après l'Indépendance, dont celui d'ambassadeur en Argentine à partir de 1965. Rappelé par le défunt président Houari Boumediene à Alger, il a été nommé en qualité de conseiller aux affaires culturelles auprès du président de la République, avant de se voir confier le portefeuille ministériel de l'Education nationale dans le gouvernement du 23 avril 1977 pour assurer ensuite le poste de délégué permanent de l'Algérie à l'Unesco. Il a collaboré à la rédaction de la Charte nationale (1975-76) et il a aussi exercé comme diplomate algérien au Mexique, avant de prendre sa retraite en septembre 1986, après avoir assuré la représentation diplomatique algérienne à Lima au Pérou. Le défunt est surtout connu par ses essais d'histoire sur le mouvement nationaliste algérien et la notion du nationalisme dans la Révolution algérienne, qu'il a reproduit dans son livre phare Algérie, nation et société, en réponse à la thèse émise par le secrétaire général du Parti communiste français dans les années 1940, où il prétendait que “l'Algérie est une nation en formation”. La dernière contribution écrite du défunt était une réflexion sur l'histoire de l'Algérie à partir de la toponymie, à travers son livre Des noms et des lieux. L'écrivain et intellectuel Mostefa Lacheraf a fait l'objet d'un colloque scientifique du 18 au 20 décembre 2004, organisé par la revue Naqd et l'Association algérienne pour le développement de la recherche sociale (Aadress). Les actes de ce colloque ont été publiés par les éditions Casbah, dans les deux langues arabe et française. Bibliographie non exhaustive de Mostefa Lacheraf Mostefa Lacheraf, décédé hier à Alger à l'âge de 90 ans, a laissé des œuvres de référence en termes de compréhension du mouvement de libération nationale en Algérie. Voici une bibliographie non exhaustive du défunt : - Des noms et des lieux, Mémoires d'une Algérie oubliée (Alger, Casbah Edition, 1998). - Littérature de combat, essais d'introduction : étude préfaces (Alger, Bouchène, 1991). - Algérie et Tiers-Monde. Agressions, résistances et solidarités internationales (Bouchène, 1989). - Ecrits didactiques sur la culture, l'histoire et la société (Alger, En.AP.1988) - Algérie et Tiers-Monde (Algérie, Enal, 1982) (Rééd., Bouchène, 1989) - Algérie, nation et société (Paris, Maspero, 1965) (Alger, Sned, 1978) - Chansons de jeunes filles arabes (Paris, Seghers, 1954). - Poèmes in Départ (Béziers, Sidep, 1952). - En 2005, il signe un ouvrage Les ruptures et l'oubli, un essai d'interprétation des idéologies, édité par Casbah Editions. N. S./APS