Il y a quinze ans, jour pour jour, revenait Mohamed Boudiaf en Algérie, pour sauver le pays d'un désastre certain, suite à la montée de l'intégrisme islamiste qui s'est rapidement transformé en terrorisme. Malheureusement, Tayeb El-Watani qui prendra les destinées du pays à la tête du Haut-Comité d'Etat (HCE) sera assassiné le 29 juin lors d'un discours à Annaba. Les Algériens garderont de lui l'image de celui qui a répondu par deux fois à l'appel du pays. Mais, surtout, celle d'un homme propre qui a préféré sa briqueterie de Kenitra (Maroc) au confort que procure un pouvoir que lui-même a qualifié de “mafia”. Après la démission du président Chadli Bendjedid, il a été rappelé pour devenir le président du Haut-Comité d'Etat alors que l'Algérie se débattait dans une véritable impasse politique et que la violence commençait à faire les premières victimes. “Ce symbole fondateur de la Révolution de 1er Novembre 1954 avait accouru à l'appel d'une Algérie au bord de l'abîme. Mohamed Boudiaf, à la tête de l'Etat algérien en janvier 1992, constituait le plus bel espoir de rendre l'Algérie aussi digne que forte”, explique la fondation qui porte son nom dans un hommage dans lequel elle rappelle le parcours politique de l'homme. Après l'exil, l'auteur de l'ouvrage Où va l'Algérie ? paraissait alors comme seul en mesure de prendre les rênes du pays : “Car Mohamed Boudiaf n'était pas seulement un homme rigoureux et tranchant, c'était un militant qui avait près d'un-demi siècle de carrière politique”, poursuit la fondation qui rappelle le parcours de Tayeb El-Watani. Né en 1919 dans la wilaya de M'sila, il adhère dans le courant des années 40 au sein du Parti du peuple algérien, et devient membre de l'Organisation spéciale dont il sera chargé de mettre sur pied une cellule à Constantine. “C'est au cours de cette période que se forme autour de lui le noyau de militants qui furent à l'origine du déclenchement de la Révolution de novembre”. Après un séjour en France où il a milité dans les rangs du MTLD, il rentre en Algérie en 1954, où il fondera le Comité révolutionnaire pour l'unité et l'action puis fera partie des 22 historiques “qui ont façonné la guerre d'Algérie”. À l'Indépendance, il crée son propre parti politique, le Parti de la révolution socialiste. Il sera assassiné à Annaba le 29 juin 1992, après avoir accepté de prendre les commandes du pays. “Mais cette main tendue sera coupée dans son envol par les assassins de l'espoir. La mémoire de Boudiaf, ses projets aussi convaincants, qu'éclairés, ne s'effaceront pas pour autant de la mémoire collective”, conclut la Fondation Boudiaf. SAMIR BENMALEK