“Je ne crois pas que l'Algérie atteindra un taux de chômage à un seul chiffre dans les trois années à venir”, a affirmé M. Mustapha Belaïdi, un spécialiste en gestion des ressources humaines, ex-directeur général de l'emploi. Réaliste, cet expert estime que les taux de 7% ou de 8% en 2009 et en 2010, avancés sur le chômage par les pouvoirs publics, relèvent du “rêve” et d'un “optimisme excessif”. Il faut, selon lui, attendre de longues années à l'avenir pour pouvoir réaliser un tel objectif. Car, le pays, argue-t-il, accuse un retard flagrant, et l'économie nationale vit des situations aléatoires qui ne dureront pas. L'enquête menée par l'Office national des statistiques (ONS) en 2006 a évalué le chômage en Algérie à 12,3%, contre 15,3% en 2005. Même si M. Belaïdi reconnaît que le progrès réalisé par le pays justifie la tendance baissière de ce phénomène, il conteste toutefois l'efficacité et la qualité de ces enquêtes. La démarche suivie par l'ONS, précise-t-il, pour l'obtention de ces statistiques est relativement scientifique. “Les moyens humains et matériels dont dispose l'ONS nous permettent de dire que cet office accomplit un travail très sérieux”, avoue-t-il. Certains paramètres, explique M. Belaïdi, limitent cependant la véracité de ces chiffres. De prime abord, il soulève le fait que cette enquête concerne une évaluation raisonnée d'une situation, c'est-à-dire d'un échantillon de la population. Les enquêteurs de l'ONS posent ainsi des questions à des citoyens pour déterminer s'ils sont chômeurs ou non. Ils s'inspirent de la définition du Bureau international du travail (BIT) qui qualifie de chômeur toute personne en âge de travailler ayant une aptitude pour cela, et qui cherche un travail tout en le prouvant. À la question de savoir s'il travaille, celui qui dispose d'un contrat à durée indéterminée (CDI) et qui est installé dans un poste répondra par l'affirmative. En revanche, le citoyen qui n'est lié que par un contrat à durée déterminée (CDD), celui qui active dans le secteur informel, qui occupe un poste à temps partiel ou qui travaille avec ses parents dans le cadre de l'économie familiale, aura comme réponse : “Non, je ne travaille pas.” À la compilation de tous les résultats obtenus, et si l'on ne prend pas en considération ces aspects, il y a risque d'arriver à un taux de chômage très élevé. D'où la décision en 2000 de pondérer, soulignera M. Belaïdi, les résultats des réponses par la prise en compte de ce qui est considéré comme secteur informel. De l'importance de ce dernier découlera, indiquera-t-il, la réalité de l'appréciation à apporter sur le fléau. Une problématique va par conséquent, se poser : pourra-t-on prendre en considération et ajouter au calcul les postes de travail au noir ? L'informel demeure, faut-il le rappeler, une pratique qui transgresse les lois et crée une concurrence déloyale, pénalisant les opérateurs économiques bien établis. Tout en admettant que l'informel est une infraction à la loi, l'ex-DG de l'emploi souligne néanmoins que ce secteur offre au citoyen un poste de travail avec un revenu, quand bien même celui-ci ne correspondrait pas souvent aux efforts consentis. “Près de 40% des postes d'emploi dans l'informel” “C'est, certes, un emploi incomplet d'autant plus que ce n'est pas aussi rémunérateur et que l'employé n'est pas déclaré à la Sécurité sociale. Mais, il faut impérativement l'additionner dans les résultats des enquêtes sur le chômage, comme cela se fait de par le monde”, suggérera M Belaïdi. Ce principe touche, témoignera-t-il, aussi bien les pays émergents que ceux développés. Les premiers ne sont pas dotés de moyens nécessaires pour une meilleure appréciation de l'informel. Pis, certains d'entre eux font de ce fléau une soupape de sécurité à même de réduire la forte pression sur l'emploi, en attendant que leur économie fournisse des opportunités. Les seconds tiennent compte, eux aussi, de l'informel dans leurs rapports. Il faut dire que les proportions atteintes par ce phénomène dans les pays développés ne sont pas aussi alarmantes que celles enregistrées en Algérie. “L'on peut parler de 35% à 40% d'emplois dans le secteur informel en Algérie, sans être très loin de la vérité, alors que ce taux se situe entre 5% et 8% dans les économies développées”, attestera l'expert. Pour lui, un taux de chômage à 12,3% est le signe d'une bonne santé économique rarement atteinte par les pays émergents. “C'est très encourageant, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'un échantillon et que l'informel n'a pas été pris en compte. Il y a lieu d'ajouter également un autre facteur lié au lancement par l'Algérie des programmes de soutien à la relance économique et ceux destinés aux régions des Hauts-Plateaux et du Sud qui ont identifié des projets permettant l'absorption du chômage”, tient à préciser le spécialiste en gestion des ressources humaines. La situation florissante inédite que traverse actuellement l'économie nationale, marquée par une reprise des activités dans plusieurs secteurs, favorise ainsi la baisse du taux de chômage aux alentours de 12%, comme cela a été évalué par l'ONS. Cette période est propice pour la réduction de ce phénomène. Reste à savoir si cette embellie s'inscrira dans la durée et qu'elle pourra créer à l'avenir dans le secteur formel des emplois stables et durables. Car, les chantiers s'achèveront un jour et les projets deviendront en outre de véritables infrastructures édifiées. D'où la nécessité de placer des investissements dans d'autres secteurs pour créer des postes d'emploi plus pérennes pour les générations futures. Badreddine K.