Opérations douteuses ou irrégulières sur les comptes du personnel d'El Khalifa Bank, sponsoring et achat d'Antinea Airlines auront été au menu de l'audience, consacrée hier à l'examen des procédures et pratiques usitées à l'agence KB de Chéraga. Le tribunal criminel près la cour de Blida a entendu, hier, l'accusé Tahar Mekkadem, ancien directeur de l'exploitation à l'agence de Chéraga, par la suite responsable du service sponsoring du groupe Khalifa. Il a été auditionné sur des opérations jugées suspectes sur son compte. Notamment un virement effectué par KRG Pharma Production d'une valeur de 2,3 millions de DA. Il expliquera avoir eu besoin d'un crédit pour l'achat d'un logement et s'être approché du P-DG de la banque à cette fin. En l'absence du service de crédit personnel, son P-DG lui a octroyé, a précisé l'accusé, l'argent via KRG. Six opérations effectuées sur son instruction ont intrigué le tribunal. La première remonte à fin 1999 où un “haut cadre”, dont il ne se souviendra pas du nom malgré l'insistance du tribunal, basé à Oran et détenteur de “bons de caisse anonymes” aux banques BNA et BDL s'est rapproché de l'agence KB de Chéraga afin de transférer ses avoirs vers KB, celle-ci offrant des taux d'intérêt plus intéressants. En tout, 24,6 millions de DA. Il expliquera avoir donné instruction à Omar Mir de procéder à l'endossement des bons de caisse et de délivrer à ce haut cadre des bons de caisse estampillés KB d'une valeur équivalente. Omar Mir a bien procédé à l'endossement, les deux établissements lui ont délivré des chèques à son nom qu'il a déposés dans son propre compte avant de créditer ce client d'un genre particulier. Il a également eu à remettre de l'argent à des personnes envoyées par RAK. Tahar Mekkadem expliquera également les procédures de sponsoring des clubs de football. Il était directeur du département au même titre que “Maâmar Djabour”. Les deux ont été amenés à signer, précisera-t-il, les conventions de sponsoring. Celui-ci avait cours pour KB mais également pour les filiales. L'accusé précisera dans ce cadre que ce sont les clubs qui venaient les voir et non le contraire. La direction du sponsoring gérait, selon Tahar Mekkadem, les conventions, même le payement. “Le club ou les responsables du club se présentaient mensuellement à la direction des sports, nous vérifions la conformité des engagements avec la convention signée et envoyions à l'agence concernée l'état de situation...” Cette opération allégeait, selon lui, la charge de travail sur les agences. Celles-ci devaient dès réception de l'état de situation créditer les comptes du club puis le débitaient pour créditer ceux des joueurs. “Après l'opération est transférée par écritures entre sièges à la direction des moyens généraux qui est supposée l'imputer sur un compte charge”. Interrogé par l'avocat de la partie civile, Tahar Mekkadem estimera que les dépenses annuelles en sponsoring du groupe Khalifa étaient entre “200 et 250 millions de DA”. Me Meziane relèvera pour sa part que la liquidation a mis en évidence à travers le débouclement de certaines opérations dans les comptes à ordre que le sponsoring avoisinait plutôt les 509 millions de DA pour une année. Et les montants ne sont pas encore arrêtés. Le tribunal entendra par la suite Omar Mir, qui a dirigé l'agence de Chéraga notamment sur l'opération créditant son compte de 24,6 millions de DA. Il dira les avoir remis après souscription au client. Il ne se souviendra pas non plus de son nom. La présidente l'interrogera également sur un mouvement de fonds que le tribunal juge suspect entre ses comptes personnels et d'autres comptes domiciliés à l'agence KB de Chéraga. Il s'agit d'“un jeu d'écritures comptables entre son compte devises, celui d'une avocate qui a traité près de 16 affaires de plaintes déposées par des clients de l'agence contre lui pour avoir vu leurs comptes crédités et débités sans qu'ils ne soient au courant ainsi que le compte d'un ami à lui, un certain Hamid Impex”, importateur de viande congelée de son état, à qui il a octroyé un crédit de 20 millions de DA sans garantie. À l'origine, un montant de 47 000 euros déposé par lui dans son compte devises et qui a transité par le compte de son avocate et de son ami. Autre interrogation de la présidente, le compte d'Arezki Idjerouedhen, l'ex-patron d'Antinea Airlines. “Sur instruction du P-DG, je devais lui donner ce qu'il voulait jusqu'à concurrence de 208 millions de DA”, dira Omar Mir. Cette instruction avait pour origine le rachat de la compagnie par RAK. Il lui a ouvert un compte sans avoir qu'il alimentait au fur et à mesure que M. Idjerouedhen le désirait. La magistrate relèvera que même les 300 millions de centimes dus au Trésor pour la transaction provenaient de la sorte. “Il a du culot plus que votre P-DG, même les sommes dues au Trésor public ont été payées par KB”, dira-t-elle. Le montant de la transaction était, selon elle, de “210 millions” alors que l'acte notarié rédigé par Me Rahal stipulait “133 millions de DA”. C'est sur demande du PG que la séance a été suspendue. Les différentes questions du tribunal et du parquet entraîneront les protestations de l'avocat de la défense. Celui-ci rappellera à la présidente son engagement de s'en tenir à l'arrêt de renvoi. “Le tribunal est sorti de ce cadre avec l'affaire Antinea…” Elle appellera par la suite l'accusé Sedrati Messaoud, ancien commandant des Forces navales, ayant pour épouse la sœur de la femme de RAK. Celle-ci étant à la fois la cousine germaine de RAK. Il avait bénéficié d'un crédit de 4,5 millions de DA de l'agence des Abattoirs qu'il dit avoir remboursé en 2 fois. Une fois directement à RAK “en main propre et sans intérêt”. Puis auprès du liquidateur avec un taux d'intérêt de 9%, puisqu'il n'a pas pu justifier du reçu du 1er remboursement. Chachoua Ahmed, père de Abdelhafidh, inculpé également, confirmera ensuite les dires de son fils concernant le don qu'il lui a fait de 600 millions de centimes pour l'achat de sa villa et le fait qu'il ait servi d'intermédiaire pour la vente de la villa du Village des artistes à Zéralda. Le dernier accusé à défiler à la barre n'est autre que Badredine, fils et frère de Ahmed et Abdelhafidh Chachoua, architecte de formation et chef de service au département développement, techniques et communication de KB. Il a été invité à donner des explications sur des biens immobiliers qu'il a acquis et des documents en relation avec KB et Khalifa, trouvés chez lui après perquisition. La présidente l'interrogera également sur l'opération “couffin du Ramadhan” dont le listing a été trouvé chez lui. Celle-ci était prise en charge pour la distribution par son service. Il niera avoir géré l'argent nécessaire à l'opération. Le prix du repas, ou du couffin, la nuance n'ayant pas été explicitée, pouvait varier, dixit la magistrate, de “1 500 DA à Relizane où 54 000 repas” ont été distribués en un mois, à “8 000 DA à Sétif” où 1 890 repas ont été servis. Il réitérera ne pas avoir géré la manne financière nécessaire rappelant que l'opération a été réalisée par le Croissant-Rouge algérien. Le tribunal se penchera dès demain sur l'agence El Khalifa Bank de Blida. Samar Smati