La journée d'hier a été noire pour les Américains qui ont dû suivre à la télévision les images humiliantes de leurs soldats, certains capturés vivants, d'autres gisant dans leur sang. “I don't want to kill anyone” (Je ne veux tuer personne), d'une voix pathétique, tremblotante et le regard terrifié, ce jeune soldat des forces américaines, capturé vivant avec deux de ses camarades à Nassiriyah, au sud-ouest de l'Irak, donne un peu la mesure du bourbier dans lequel s'enlise l'Administration de Geoge Bush. Cette image de prisonniers américains blessés, qui répondaient hier, horrifiés, aux questions des militaires irakiens, heurtera, c'est sûr, la sensibilité et l'ego de leurs familles, mais aussi de leur peuple. Quatre jours après le début de la guerre “éclair”, les forces américano-britanniques commencent à ramasser leurs cadavres. A compter leurs morts et leurs disparus. Pas moins de vingt-cinq soldats américains et britanniques ont été tués dans des combats à Nassiriyah dans le sud de l'Irak, a affirmé un communiqué militaire irakien publié hier soir à Bagdad. Le mythe est donc tombé : aussi redoutable qu'est l'armada des alliés, elle n'en a pas moins subi des pertes de la part d'un peuple qui résiste devant une telle adversité. Hier, l'armée irakienne a exhibé fièrement devant les caméras de la chaîne Al Djazeera, les cadavres d'une dizaine de GI's. Ce fut horrible à voir. Mais c'est aussi de bonne guerre comme on dit. Les Irakiens veulent absolument lancer ce message, que l'armée de Bush ne sortira point indemne de cette guerre. Un responsable militaire du régime de Saddam Hussein annonçait hier que pas moins de cinq avions et deux hélicoptères américains et britanniques auraient été abattus par la défense antiaérienne de son pays. Selon le colonel Hazem Al Raoui, qui animait une conférence de presse, deux hélicoptères sont tombés dans le nord de l'Irak entre les villes de Mossoul et Samara. De son côté, le ministre de l'Information, Mohamed Saïd Al Sahaf, soutient que les forces irakiennes ont détruit plusieurs chars blindés dans la région de Bassorah. Même si aucun bilan chiffré des pertes américano-britanniques n'a pu être établi, le ministre irakien a tout de même estimé que beaucoup de soldats “ennemis” ont été tués, d'autres blessés et quelques-uns faits prisonniers. Et en début de soirée, on a pu voir effectivement plus d'une dizaine de marines gisant dans des mares de sang, entourés de soldats de Saddam Hussein. Ces images terrifiantes de cadavres ont été “promises” par le ministre de l'Information irakien lors de ses réponses aux questions des journalistes sur les pertes dans les rangs des troupes américaines et britanniques, comme pour apporter les preuves “des hauts faits d'armes” de la résistance. Une façon — certes, un peu exagérée —, mais qui reste une autre arme redoutable dans la terrible guerre des nerfs. Le constat est également valable pour l'image spectaculaire des deux parachutistes britanniques qui ont échoué dans les eaux du Tigre après la chute de leur appareil, et qu'une foule de personnes — des militaires et des civils irakiens — chercherait dans les roseaux qui bordent le fleuve pour les capturer, qu'on a pu suivre en direct sur la chaîne qatarie. De fait, la guerre entre maintenant dans sa phase décisive. L'armée irakienne a prouvé, hier, qu'elle ne se donnera pas en victime expiatoire au corps expéditionnaire des Américains et des Britanniques. Qu'elle est capable de résister peut-être plus longtemps que l'ont supposé les analystes et les stratèges militaires. Moralité : la façon avec laquelle cette guerre a été “vendue” à l'opinion publique internationale, mais surtout aux Irakiens qui n'aiment pas forcément la dictature du maître de Bagdad, risque de jouer un mauvais tour à l'entêtement de George Bush. H. M.