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“L'Algérie est la démocratie la plus vivante du monde arabe” Hans-Joachim Otto, président de la délégation de la commission culture et médias du Bundestag
En visite officielle de trois jours en Algérie, Hans-Joachim Otto, président de la délégation de la commission culture et médias du Bundestag, le Parlement allemand, livre dans cet entretien à Liberté la vision que porte actuellement son pays sur l'Algérie, mais également les possibilités de coopération entre Alger et Berlin dans le domaine de la culture, du culte et des médias. Liberté : C'est la première fois qu'une délégation de la commission de la culture et des médias du Bundestag se trouve en Algérie. Que représente cette visite ? Hans-Joachim Otto : Nous avons choisi l'Algérie. C'était souhaité par le ministère des Affaires étrangères en Allemagne parce que nous avons depuis des décennies de bonnes relations avec l'Algérie, que nous pouvons encore approfondir dans le domaine de la coopération culturelle. Dans ce domaine nous avons encore besoin de rattrapage. Pourquoi dites-vous avoir choisi l'Algérie ? Nous avons tous les ans deux voyages à l'étranger. Lorsque nous choisissons les pays, cela dépend aussi du besoin de rattrapage que nous constatons. En Algérie, il y a eu un affaiblissement des liens culturels pendant les dernières années. Nous avons constaté un certain besoin de rattrapage. Il est absolument nécessaire d'améliorer nos relations culturelles pour les mettre au niveau qui correspond aux relations entre nos deux Etats. À l'image des bonnes relations et de la coopération amicale que nous avons. Dans quelle mesure se fera ce rattrapage ? Il y a une série de mesures individuelles mais à part ça, il y a aussi un fondement, une base. Depuis longtemps nous discutons sur un accord de coopération culturelle entre l'Allemagne et l'Algérie. Cet accord doit être maintenant ratifié dans les meilleurs délais à notre avis parce que cela permettrait de faciliter le travail entre les ONG, les échanges culturels entre les deux pays. Ça permettrait de faciliter la formation réciproque de journalistes. Nous avons proposé, suggéré de terminer dans les meilleurs délais les négociations sur cet accord qui pourrait servir de base pour des mesures porteuses, d'avenir qui nous permettront d'intensifier la coopération culturelle. Y a-t-il une date éventuelle pour la ratification ? Cela ne dépend pas de moi. Mais je crois que vu la qualité des relations entre nos deux pays, une ratification dans le courant de l'année devrait être possible. Votre présence en Algérie a été ponctuée par une série d'entretiens assez importants. Peut-on avoir quelques éléments à ce sujet ? Je vais essayer de me concentrer sur les points où on a pu identifier un besoin et des possibilités d'activités. Ils se résument à trois points essentiels. Par exemple, il y en a un important et qui a déjà commencé. Il porte sur la formation de journalistes algériens à la Deutsh Welle, la télévision internationale allemande mais, également, la formation de journalistes de cette chaîne ici en Algérie. Un accord a été tracé entre les deux chaînes qu'il faut cependant intensifier. Notre deuxième point très important que nous avons abordé avec nos collègues de la commission des affaires culturelles de l'APN concerne notre passé respectif. Comment est-ce que nous assumons ce passé. Nous sommes animés d'une volonté. Nous disons qu'il faut maîtriser le passé, sans tabou. Il faut s'ouvrir à ce passé. Il faut savoir que sans maîtrise du passé, il ne sera pas possible de donner corps à un nouvel avenir. Il faut assumer les dérapages historiques, les traumatismes que nous avons vécus dans nos pays respectifs. Il ne faut pas les nier et les confronter de front. Il faut les intégrer dans le travail éducatif que l'on fait et ériger des lieux de mémoire pour les ancrer dans la conscience de nos pays. Quel est le troisième point ? Il a occupé une grande place et porte sur la question de savoir comment nous pouvons entamer et entretenir un dialogue entre l'Islam et le Christianisme, entre l'Europe et les pays arabes tels que l'Algérie. Comment nous pouvons rendre ce dialogue plus efficace et plus durable. C'est un sujet qui nous préoccupe actuellement en Allemagne, qui n'est pas seulement un sujet algérien. C'est même peut-être un sujet beaucoup plus brûlant en Allemagne parce que nous avons de gros problèmes actuellement. Et nous devons apprendre des Algériens comment nous pouvons lancer un dialogue avec les fanatiques pour calmer la situation. Nous sommes confrontés à l'intolérance des prédicateurs de la haine. Je crois que sur ce sujet, nous pouvons échanger avec l'Algérie et apprendre les uns des autres. Nous savons fort bien que l'Algérie a déployé des efforts considérables pour donner une chance à la démocratie et à la tolérance religieuse. Actuellement, nous avons l'impression que l'Algérie est la démocratie la plus vivante du monde arabe. Dans l'intérêt de l'Algérie et dans le nôtre, pour nous, c'est une question qui revêt une importance imminente, existentielle, il est très important qu'entre l'Islam et le christianisme on crée un climat de tolérance et qu'on évite l'escalade. Et là, nous pensons que l'Algérie est le meilleur pays auquel on peut s'adresser. Vos propos dénotent une vision très particulière de l'Algérie. Comment voyez-vous l'Algérie à partir de l'Allemagne ? En Allemagne, nous avons un nombre croissant de musulmans et nous essayons de mener avec eux un dialogue culturel et religieux. Je peux vous dire qu'au cours des dernières années, la chose n'est pas devenue plus facile. Nous constatons que l'Algérie est un rare exemple, de ce point de vue, à avoir réussi à repousser les extrémistes et à créer une situation où un islam plus tolérant a pu l'emporter. Nous espérons que c'est quelque chose de durable. Il y a des millions de musulmans en Allemagne, pas d'origine algérienne, et leur nombre ne cesse de croître. C'est cette actualité qui se pose à nous et nous sommes convaincus que cela vaut la peine de regarder l'exemple de l'Algérie pour voir comment après dix ans de guerre civile, on a réussi à faire de la place pour un islam plus modéré et plus tolérant. Comment on a pu réaliser et permettre la percée d'un islam qui mise sur la coopération et qui contribue aussi à soutenir et à développer la démocratie. Vous avez évoqué l'intégration du passé, particulièrement apprendre à regarder le passé sans tabou, totalement. De quel passé de l'Algérie parlez-vous, celui des dix dernières années ou son intégralité ? Non, je pense à tous les hauts et les bas de l'histoire algérienne. En Allemagne, nous avons nos poètes, nos penseurs, nous sommes le pays des Lumières. Nous avons eu aussi des catastrophes civilisationnelles. Tout comme l'Algérie. Il y y a eu des hauts et des bas. Des pages plus claires, des pages plus sombres comme ce passé plus récent. Quelles conclusions tirez-vous de votre passage en Algérie ? Nous avons été accueillis avec beaucoup d'ouverture. Le succès, lui, dépend de la coopération qui peut être le résultat de cette visite dans les années à venir. Le vrai travail ne fait que commencer. Mais je crois que cette visite a été un plein succès, nous étions accueillis avec une très grande disponibilité et une volonté de renforcer la coopération dans le domaine de la culture et des médias, de manière substantielle et durable. S. S.