Trois jours après le lancement officiel à Paris de l'Union pour la méditerranée (UPM), la chancelière allemande Angela Merkel a choisi de traverser cette mer pour se rendre en Algérie. Elle y séjournera deux jours comme pour signifier que les rapports bilatéraux sont plus concrets que les grands projets d'union à projection lointaine. Berlin avait pesé de tout son poids au sein de l'Union européenne (UE) pour modifier le projet français de l'Union pour la méditerranée, devenu depuis UPM. L'Allemagne, qui tente de porter un regard moins indifférent vers le Sud, entend donner un exemple à travers le renforcement de la relation avec l'Algérie, considéré comme « un pouvoir régional en Afrique et dans le monde arabe ». L'Algérie est parmi les premiers pays arabes visités par Angela Merkel. Le gouvernement fédéral, qui a annoncé la nouvelle à Berlin, le 11 juillet, a indiqué que la chancelière aura des « entretiens politiques » avec le président algérien. Outre l'UPM, les discussions devraient porter, selon des sources diplomatiques, sur le Maghreb, la lutte contre le terrorisme, la situation des chrétiens en Algérie, après l'affaire de la convertie Habiba Kouider jugée à Tiaret, l'Afrique, surtout que le G8, dont l'Allemagne est membre, a décidé de concentrer ses efforts d'aide à ce continent, et la situation au Moyen-Orient. En mai 2008, Angela Merkel, qui a évité de se rendre en territoires palestiniens, a participé aux festivités célébrant les 60 ans d'Israël, où elle a été le premier responsable allemand de haut rang à prononcer un discours devant la Knesset (Parlement). La venue à Alger s'inscrit donc dans une logique d'équilibrer les rapports avec les pays arabes. A Alger, Angela Merkel devra discuter avec des associations activant dans les domaines des droits humains. Berlin suit de près l'évolution de la société civile dans les pays du Sud. Les fondations Ebert et Konrad Adenauer, qui sont présentes en Algérie, mettent souvent l'accent dans leurs activités sur les aspects liés au travail des médias, aux droits humains et à l'éducation. Accompagné d'une délégation d'hommes d'affaires, Angela Merkel assistera à un forum économique organisé demain à l'hôtel Sheraton par la Chambre algéro-allemande de commerce et d'industrie (AHK). Généralement, les allemands privilégient les contacts inter-entreprises pour élever le niveau des relations économiques. AHK Algérie, qui regroupe presque 450 membres algériens et allemands et qui active dans le pays depuis deux ans, mène un programme d'aide à la pénétration du marché algérien, supervisé et financé par le ministère allemand de l'Economie. En 2007, un coordinateur des relations économiques algéro-allemandes a été installé à Alger pour être l'interlocuteur des investisseurs. Le nombre des entreprises allemandes travaillant en Algérie avoisine les 140. L'Allemagne est le cinquième fournisseur de l'Algérie, après la France, la Chine, l'Italie et les Etats-Unis, et le 13e client seulement. AHK Algérie devra organiser, en octobre 2008, la première Foire algéro-allemande sur l'environnement, l'eau et les énergies renouvelables. Alger et Berlin sont liés, depuis le début 2008, par un accord de coopération dans le secteur de l'énergie solaire. Il porte notamment sur l'extension d'un câble solaire de 3000 km entre Adrar, au sud algérien, et la ville allemande d'Aachen. Le projet est estimé à deux milliards d'euros. L'Allemagne, leader mondial dans le domaine des énergies nouvelles, comme l'éolien et le solaire, aide l'Algérie à construire une centrale électrique hybride gaz/solaire, dans la région de Hassi R'mel (Laghouat). L'Algérie, qui exporte des produits pétroliers vers l'Allemagne, sera davantage sollicitée à l'avenir pour renforcer la sécurité énergétique de ce pays, élevé comme priorité nationale après « le traumatisme » créé par la Russie en 2005 avec la crise avec l'Ukraine. Berlin veut aller au-delà du « 1% » des approvisionnements énergétiques assurés actuellement par l'Algérie, troisième fournisseur en gaz naturel de l'Europe occidentale. « Nous voulons diversifier nos ressources de gaz, s'il était possible que nos projets soient un peu soutenus par Mme Merkel nous serions ravis. L'Algérie serait un marché intéressant, d'autant plus que nous venons de nous implanter dans des pays proches : l'Italie et l'Espagne », a déclaré Wulf Bernotat, patron de EON (numéro un allemand de l'énergie), cité par les agences de presse. L'Allemagne, qui achète 43% de ses besoins en gaz à la Russie, souhaite développer le domaine du GNL avec l'Algérie. Mais les discussions ne sont qu'à un niveau exploratoire. Les deux pays devraient renforcer également leur coopération militaire. La politique algérienne de diversifier les sources d'approvisionnement en équipements opérationnels intéresse Berlin. Cette question avait été évoquée lors de la visite à Alger, en novembre 2007, du chef d'état-major de l'armée allemande, le général Wolfgang Schneiderhan. A la même période, Horst Kohler est venu en Algérie devenant ainsi le premier président fédéral allemand à visiter le pays. Le président Abdelaziz Bouteflika a été également le premier à le faire pour l'Allemagne en 2001. Entre-temps, les ministres allemands des Affaires étrangères et de l'Economie sont venus à Alger explorer d'autres champs de coopération.