Le ministre de l'Intérieur, le directeur général de la Protection civile et des centaines de pompiers ont assisté aux obsèques. Bouhoui Tahar, 60 ans, marié, père de 7 enfants. Il devait prendre sa retraite dans quelques semaines. Bouirane Fatah, 36 ans, marié depuis 6 mois et sa femme est enceinte. Beloud Nabil, 35 ans, fiancé et ses noces étaient programmées pour cet été. Trois sapeurs-pompiers. Ils travaillaient dans la même caserne. Ils étaient des amis et se rendaient souvent service. Tout unissait ces 3 soldats du feu. Leurs trois noms de famille commencent par la lettre B. Ils sont morts ensemble dans la même voiture. Le hasard a voulu qu'ils soient dans le même véhicule et à proximité du lieu de l'attentat perpétré contre le commissariat de Bab-Ezzouar mercredi dernier à 10h55. Le destin de ces trois collègues a voulu aussi qu'ils soient enterrés le même jour et au même cimetière de Bousekloune (encore un nom commençant par B), à Aïn Taya. Ce jeudi, le temps est gris sur Alger. Le soleil ne brille pas sur la cité du Bonheur à Bordj El-Bahri. C'est plutôt le malheur qui vient de frapper cette cité paisible située en pleine campagne, à quelques mètres de l'Ecole nationale de formation de la Protection civile. La cité du Bonheur est en deuil aujourd'hui. Il y a foule devant la modeste maison des Beloud. Des cars et des camions de la Protection civile sont garés sur le bas-côté des rues. Des soldats du feu sont nombreux. Tous ont les yeux rivés sur la maison mortuaire. De nombreux stagiaires ont quitté l'Ecole des pompiers pour assister aux funérailles de Nabil. “Je dégageais des corps des voitures, juste après l'attentat. Je n'ai pas prêté une attention particulière au véhicule qui était derrière. Mes collègues, sortis eux aussi de la caserne mitoyenne au commissariat visé par la voiture conduite par un kamikaze, n'ont à aucun nomment pensé que sous l'amas de ferraille qu'était devenu notre véhicule de service, trois collègues y gisaient. D'ailleurs la voiture était méconnaissable. Elle avait même perdu sa couleur rouge distinctive. Les sapeurs qui ont dégagé les corps n'ont compris qu'il s'agissait de notre véhicule que grâce aux équipements spécifiques du véhicule et surtout le poste de radio”, affirme un pompier. Ce dernier encore sous le choc n'arrive toujours pas à réaliser que ce qu'il venait de vivre était une réalité. Plus loin de ce premier groupe, d'autres sapeurs sont debout et commentent les atroces évènements de la veille. “Les trois collègues revenaient d'une mission. Ils étaient sur le point de rejoindre leur caserne quand l'explosion eut lieu”, déclare un sous-lieutenant de la Protection civile. Les femmes se dirigent, quant à elles, directement au domicile mortuaire. Il est 13h30 et le corps du défunt n'est pas encore arrivé. Le père et les frères de la victime sont allés à la morgue d'El-Alia où sont entreposées les dépouilles des victimes du double attentat de Bab-Ezzouar. Au loin, des voitures de pompiers roulant à vitesse modérée et gyrophares allumés apparaissent. Tout le monde se lève et se rapproche de la maison. Quelques instants après, une ambulance se positionne devant le domicile des Beloud. Drapé dans l'emblème national, le cercueil est soulevé par huit sapeurs. Ils le déposent dans la cour intérieure et sortent aussitôt. Les deux frères du défunt pleurent dans un coin. Ils sont consolés par des pompiers. Digne, le père tente de cacher sa douleur. Quelques minutes plus tard, les mêmes sapeurs reprennent le cercueil pour le redéposer dans l'ambulance qui redémarre. Le cortège prend la direction du cimetière de Bousekloune. Le cortège s'étire sur plusieurs kilomètres. Il y a grande foule au cimetière. Les dépouilles mortelles des deux autres pompiers arrivent presque au même moment. La cérémonie est émouvante. Dans son oraison funèbre, l'imam a mis l'accent sur le noble métier des pompiers prêts à se sacrifier pour sauver d'autres vies humaines. La présence de Nourredine Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur et du colonel Mustapha Lakhdar Lahbiri, directeur général de la Protection civile n'est pas passée inaperçue. Les pompiers tiennent à rappeler qu'ils forment une seule famille. “Vous voyez, dans le malheur, nous sommes tous unis et du simple sapeur au DG de l'institution, nous sommes là pour soutenir les familles des trois martyrs du devoir”, tient à préciser un officier de la Protection civile. Un autre nous fait part de l'autre malheur qui a frappé la même caserne des pompiers d'El-Hamiz : “La sœur d'un officier de notre caserne figure elle aussi parmi les victimes. Elle était devant l'arrêt de bus au moment de l'attentat. Son enterrement vient d'avoir lieu à Dar El-Beïda.” Les officiels montent dans leur voiture qui démarre en trombe. Les pompiers remontent dans leur véhicule personnel ou ceux mobilisés par leur caserne, ils se sont partagés en trois groupes, chacun se dirigeant vers un des trois domiciles mortuaires. “C'est maintenant que les familles de nos collègues ont besoin de nous”, nous lance un officier qui s'apprêtait à monter dans sa voiture. Saïd Ibrahim