Les Algériens auront vécu le week-end le plus long de leur histoire. Trois jours durant, ils se sont réapproprié les marchés, les cafés et autres magasins. Pour vérifier comment les Algérois ont apprécié le week-end semi-universel, une virée dans les quartiers populaires s'impose. Vendredi 14 août, il est 8 heures 30 lorsque nous entrons dans les ruelles marchandes de Bachdjarrah. La pluie commence déjà à produire ses premières boues, mais l'affluence est toujours impressionnante. Un commerçant ambulant ne manque pas de rappeler aux passants l'entrée en vigueur du nouveau week-end : “Hier week-end, aujourd'hui week-end, demain week-end, incha Allah toute la semaine week-end. Pour que vivent les zawalis (pauvres) comme moi”. Dans le café jouxtant le marché, nous croisons Djamel, un jeune du quartier qui a émigré en Autriche depuis une dizaine d'années. En face de nous, un graffiti fraîchement inscrit l'interpelle : “Un carton à Madrid plutôt qu'une villa à Hydra.” Pour lui, “ceux qui ont écrit ce graffiti ne savent pas ce qui les attend en Europe. J'ai perdu mon travail depuis plus d'une année et je connais des dizaines de jeunes qui croupissent dans les prisons. Ils pensent qu'il est facile de dormir sur un carton en Europe. Qu'ils essayent en hiver”. Pour le nouveau week-end, Djamel pense que cela ne changera rien dans la réalité : “On ne connaît pas la valeur du travail ici. Donc, vendredi ou jeudi, c'est du pareil au même.” La pluie ne dissuade ni les commerçants ni les clients. À une semaine du Ramadhan, le marché - ou ce qu'il en reste (la moitié devrait être reconstruite) - grouille de monde. Nous décidons d'y retourner après la prière du vendredi. Même affluence, avec en prime, la “dellala” (marché ambulant) qui attire un monde fou. Même si certaines grandes surfaces ont décidé de fermer pour ce vendredi, sachant qu'elles travaillent principalement avec la gent féminine, les autres ont ouvert et beaucoup de femmes avaient fait le déplacement. Samedi 15 août, il est 8 heures 30 lorsque nous abordons le marché couvert d'El-Harrach. Ici, il faut s'armer de patience pour trouver une place de stationnement. Affluence monstre, ajoutée aux travaux de réalisation du métro rendent le centre d'El-Harrach infréquentable. Sur la route de Bachdjarrah, l'embouteillage laisse perplexe bon nombre d'automobilistes. “On se croirait à un jour de rentrée des classes”, commente Rachid. “Mais non, c'est juste à cause de l'approche du Ramadhan”, rassure son ami Farid. À Kouba, la circulation est aussi dense et les magasins attirent de nombreuses familles qui profitent de ce long week-end. Pourtant, à Alger-Centre, vers 11 heures, la circulation était très fluide. Même si les magasins ont ouvert leurs portes, il n'y a pas foule dans les rues. Idem à la fameuse rue Tanger où les restaurants ont ouvert, mais restent vides, en l'absence de fonctionnaires. Un pédiatre, qui vient de rentrer de congé, a décidé d'ouvrir son cabinet ce samedi : “Je n'ai rien compris à ce nouveau week-end. J'ouvre pour l'instant. J'ai eu quelques patients. Je verrai plus tard ce que ça donne.” À Bab El-Oued, au marché des Trois-Horloges, l'affluence n'a pas changé. Les commerçants ambulants se frottent les mains : “Avoir le vendredi et le samedi comme jours complets de repos, ça veut dire pour nous, travailler à plein régime. Que demande le peuple !” s'exclame Hakim, vendeur de fruits. Les rues commerçantes de Bab El-Oued sont noires de monde. Même si les commentaires dans les cafés tournent généralement autour du football et ce qui s'est passé à Bordj Bou- Arréridj, il n'en demeure pas moins que les personnes interrogées sur l'avènement du nouveau week-end restent sceptiques. “C'est bien que la poste reste ouverte le samedi. Mais pour la mairie, les assurances et les banques, il faudra s'absenter du travail pour régler ses affaires. Le gouvernement aurait dû penser à cela, en les faisant ouvrir au moins la matinée du vendredi ou du samedi” commente Hacène, la cinquantaine. Hichem, un commerçant, attend pour voir : “J'ouvre le vendredi et le samedi. Il faudra du temps pour apprécier le nouveau week-end. On verra après.” Son ami, Réda, qui travaille pour une entreprise étrangère activant pour le projet du métro d'Alger, n'a eu qu'une demi-journée ce samedi : “Nous avons travaillé la matinée. Nos patrons attendent pour voir s'ils vont maintenir la demi-journée ou s'ils vont la supprimer.” Sur un chantier de réalisation de logements AADL, les travailleurs chinois ne se posent même pas la question et continuent à travailler, jour et nuit.