Le nouveau Parlement libanais, où la Syrie n'est plus maître du jeu, a remis, hier, au perchoir Nabih Berri, qualifié auparavant de pro-Syrien notoire. La reconduction de cette incontournable personnalité n'est pas une surprise, dès lors que le nouveau Liban continue à fonctionner selon une Constitution fondée entièrement sur le communautarisme. Le président doit être de confession chrétienne et de surcroît maronite, le Premier ministre sunnite et le président du Parlement chiite, quels que soient les résultas des élections législatives. Berri, qui est à la tête du Parlement sans interruption depuis 1992, entame ainsi un quatrième mandat de quatre ans ! Les législatives de mai-juin ont porté à la Chambre une majorité hostile à la tutelle de Damas, dont le chef de file, le bloc du Futur, dirigé par Saâd, fils de l'ex-Premier ministre assassiné Rafik Hariri, soutient Berri, le chef d'Amal, le second mouvement chiite. Saâd a toutefois conditionné son soutien par un engagement de Berri à faciliter le vote d'une loi d'amnistie qui permettra de sortir de prison le chef des Forces libanaises, ex-milices chrétiennes, Samir Jaâja, emprisonné depuis 11 ans, ainsi que l'adoption d'une nouvelle loi électorale. Berri, qui a été président du Parlement en 1992, 1996 et 2000, années sous tutelle syrienne, est farouchement hostile à tout désarmement des milices du Hezbollah, considérées, par ailleurs, dans tout le Liban, comme une force nationaliste à préserver, tant qu'Israël n'aura pas évacué les poches du Sud-Liban. Amal et Hezbollah avaient conclu une alliance aux législatives, sous le slogan “Non au désarmement de la résistance anti-israélienne”, ce qui leur a permis de remporter tous les sièges des circonscriptions à majorité chiite du Liban-Sud et de la plaine de la Bekaâ, frontalière de la Syrie. Face à ce domino fermé d'avance, les rivaux de Berri devaient se retirer de la course, non sans avoir dénoncé la perpétuation d'un système que même la population condamne. Aux législatives, malgré l'euphorie du retrait des Syriens, le taux d'abstention a été très élevé. Les députés chrétiens anti-Syriens de l'ex-milice des Forces libanaises et ceux du Courant patriotique libre, de l'ex-général Michel Aoun, ne sont pas en faveur de Berri, mais ils ne pèsent pas grand-chose. D. Bouatta