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TAM, carrefour des menaces
Immigration clandestine, sida, contrebande
Publié dans Liberté le 12 - 05 - 2007

Depuis le début de l'année, chaque semaine a son lot de clandestins arrêtés à Tamanrasset, étape pour les uns, espoir de travail pour les autres. Les services de sécurité multiplient les descentes pour les traquer, mais leur seule action n'aboutit pas à faire disparaître le phénomène qui suit les mêmes itinéraires que la contrebande dans cette région désertique. Nous nous sommes rendus sur place pour rencontrer ces clandestins, ces souadines comme les désignent les habitants de Tam, discuter avec eux, essayer de comprendre les raisons de leur exode massif, les risques qu'ils prennent, mais surtout leurs espoirs. Ils sont dans la peau de sacrifiés, mais nombre d'entre eux veulent réussir, vivre et se sentir utiles. Voyage au cœur de la détresse humaine, sur les traces de ceux qui veulent devenir des “hommes”.
Point 70 sur la RN 1 ou ce qui est appelé la route transsaharienne qui commence à peine à renaître. À 70 km de Tam vers le sud, c'est déjà le début du nulle part. Seul le carrefour indique qu'il y a deux destinations, la piste rocailleuse qui mène vers Aïn Guezzam et celle qui mène vers Aïn Azzaoua, toutes les deux à la frontière avec le Niger. Le guide désigne des traces de pneus pour expliquer que les contrebandiers et les passeurs utilisent des passages détournés. On y dénombre jusqu'à plus d'une dizaine de ces détours.
Sur la route en cette fin d'après-midi, il y a peu de circulation. Les véhicules sont inspectés par les gendarmes. Ils n'y relèvent que de petits défauts de documents passibles d'amendes. La nuit commence à absorber les derniers rayons de soleil avant de plonger dans l'univers de tous les fléaux. Sur le chemin du retour, à proximité d'un chantier, des jeunes installent une espèce de bivouac. Petite vérification, ils sont nigériens et n'ont aucun papier. Ils ne veulent rien dire. Celui qui semble être l'aîné prétend qu'il a un document pour rester et travailler en Algérie. Une carte consulaire qui ne peut en aucun cas, selon un gendarme, remplacer la résidence ou le permis de travail. C'est juste un document d'identification, et en plus il a expiré en 2006. Cinq sont embarqués vers la brigade de Tamanrasset, le lendemain, ils sont présentés devant le procureur qui prononce leur reconduction à la frontière. Cette opération est “une routine” pour les services de sécurité dans le sud du pays appelés à agir plusieurs fois par semaine pour contrer le phénomène de l'immigration clandestine. Une lutte qui s'apparente à une partie de ping-pong. Des clandestins sont arrêtés, puis reconduits à la frontière ; quelques jours après, ils réapparaissent. Le phénomène est devenu massif ces dernières années. Le bilan des opérations — une centaine d'arrestations en moyenne — démontre l'évolution de cette tendance à la hausse.
Départ de nulle part
Retour à la tombée de la nuit à Tamanrasset. La ville sommeille au milieu des vrombissements des moteurs des véhicules qui ne cessent jamais de la sillonner. C'est aussi le moment propice pour “les aventuriers” malgré la vigilance des services de sécurité. Ces derniers mènent des opérations tôt le matin dans les endroits “squattés” par les clandestins afin de les débusquer. À la lumière du jour, ils prennent la fuite à la vue des voitures des services de sécurité, même banalisées, qu'ils ont appris à reconnaître.
La première opération a lieu tôt le matin, vendredi dernier. La gendarmerie a ciblé plusieurs endroits. Les clandestins sont surpris dans leur sommeil. Bilan : 68 arrestations dont 6 femmes. Un seul a commis un grave délit. Un Nigérian qui a falsifié un passeport sera le seul maintenu en détention. Malgré l'identification du faux, il clamera que son document est un vrai et que l'on peut le vérifier dans son pays. Au bout d'un petit moment, il craque. “Emmenez-moi dans votre maison, je ferai tout ce que vous voudrez”, dit-il, une grosse larme parcourt sa joue. Il se met à genoux et implore. On lui explique qu'il sera jugé et probablement emprisonné. Ce qui n'est pas le cas des 67 autres. Ils sont 11 Nigérians dont 6 femmes, 45 Nigériens, 4 Libériens et 2 Maliens.
Exceptionnellement, il nous a été permis de discuter avec eux. Le premier, un Nigérien, dit qu'il ne parle que haoussa, mais quand il est interrogé dans sa langue, il répond en français. El Hassini Ahmed est à Tam depuis deux mois. À 39 ans, il vient chercher du travail. Marié, père de 5 enfants, il dit avoir payé entre 35 000 et 40 000 CFA pour le voyage. C'est un Algérien qui conduit le camion, dit un autre clandestin du Niger, cultivateur de son état, qui vient pour la première fois à Tam. Il promet de ne plus revenir. Boubakar Issa n'a que 20 ans, il a payé 17 000 CFA pour embarquer dans un camion. Il est resté un mois à Tamanrasset sans rien faire. Il dit être venu chercher de l'argent. Comme les autres, il promet de ne plus remettre les pieds en Algérie. Si les Nigériens et les Maliens parlent facilement, les Libériens et les Nigérians sont méfiants et très peu communicatifs. Il est tout aussi difficile de les prendre en sympathie.
Biométrie et mensonges
Après plusieurs tentatives, le Libérien Vingutte - c'est du moins sous ce nom qu'il se présente - déclare avoir 20 ans et être joueur de football. Lentement, il se détend, mais garde le regard méfiant, fixe et cette allure de “traqué” prêt à tout. Il a payé 2 500 DA pour arriver d'Assamaka au Niger, à Tam. Des informations quasiment impossibles à vérifier. Il est venu chercher un club de foot pour se faire un peu d'argent. Son compatriote dit exactement la même chose. Il est entré en Algérie depuis une semaine, il joue au foot dans son pays, dit-il, même si son physique le trahit. Il a payé l'équivalent de 1 500 dollars et 2 500 francs CFA pour venir du Liberia avec deux escales. C'est à croire que tous les clandestins libériens veulent suivre le chemin de Georges Weah. Ils s'inventent des clubs où ils ont déjà joué. Pourquoi ne pas aller jouer au Sénégal, au Cameroun… ? Shatrak Kundy se présent enfin et confie qu'il a des frères et des sœurs au pays et qu'il est venu en Algérie pour “travailler, pour vivre, manger”. “C'est un bon pays où on peut vivre, manger, travailler”, lâche-t-il enfin.
Du côté des femmes, c'est encore plus délicat. D'emblée, elles refusent toutes de parler. Une native de Lagos accepte quand même de parler. Elle est âgée de 25 ans, elle a deux frères et sœurs et elle veut travailler. Elle est arrivée à Tam, comme ses autres concitoyennes, il y a deux jours. Deux jours passés dans la nature à dormir dehors. Ayte Jone se présente comme pour autoriser les autres filles à parler. Lovech Gifts a 19 ans, Ocey Membe en a 20. Aucune ne dispose de document d'identité. Elles veulent toutes travailler dans la couture, gagner un peu d'argent et rentrer au pays. Une chanson qu'elles ont toutes apprise par cœur. La plus petite est âgée de 14 ans. Elle se contente de regarder, d'écouter, les yeux plongés dans le vide de l'incompréhension. Le chemin vers son paradis européen s'est subitement arrêté là, à Tam. Jone confiera que même si elle est refoulée, elle reviendra encore et encore jusqu'à traverser la Méditerranée. Seule la petite fille de 14 ans est vierge, selon le médecin qui les a vues. Pendant les discussions, les gendarmes continuent de “ficher” les clandestins arrêtés. Leur âge varie entre 14 et 65 ans. Ils n'ont aucune qualification, font des travaux manuels, parfois pour une bouchée de pain. L'on ne gardera presque de ces entretiens particuliers que les regards de ces yeux rougis et l'accoutrement quelconque, loqueteux, les haillons et les pieds nus de ces êtres sans destin. Le lendemain, le groupe est présenté devant le procureur qui prononce le refoulement de tout le monde, sauf le Nigérian porteur du passeport falsifié.
À la rencontre des “souadines”
Passée cette première journée en contact avec les clandestins, il fallait se rendre carrément dans les lieux qu'ils fréquentent, où ils dorment, pour se rendre compte avec précision de leurs conditions de vie. Rendez-vous est pris pour le lendemain. En vérité, ces “souadines”, les “blacks” comme les désignent les habitants de Tam et les agents des services de sécurité, sont faciles à repérer. Gat'aâ El Oued, tout au long de l'oued, sur le muret qui ceint ses berges, sont assis en grappes des “souadines” en attente d'un hypothétique travail. À peine le soleil apparu, ils sortent prendre place dans cet espace “d'emploi”. La majorité d'entre eux, du moins ceux qui cherchent du travail, dorment sous le pont, dans les buses supports du viaduc. Dès qu'une voiture s'approche, ils quittent le muret et s'enfoncent dans le sable de l'oued et se sauvent. Les deux mains serrées, ils comprennent qu'on vient en ami. Un seul ose se rapprocher. Les autres restent à une distance et attendent de voir ce qui va se passer. Ce sont tous des Nigériens venus travailler, poussés par la misère vers le Nord. Une fois rassuré, Ibrahim Ali affirme qu'il est à sa 3e année à Tam. Âgé de 17 ans, il se débrouille comme il peut pour gagner sa vie. Chaque matin, il se pointe au même endroit et attend ces camionnettes et autres pick-up qui ralentissent, sans s'arrêter, pour signifier qu'il y a du travail.
Les clandestins accourent. Quelques-uns réussissent à monter et le véhicule disparaît aussi rapidement. La discussion reprend alors que la curiosité et l'assurance ont poussé les autres à s'approcher davantage. Ils ne disent pas un mot, laissent le premier continuer. “Ici, on ne partage rien, chacun pour soi. Et pas question de se mêler aux autres nationalités”, dit Ali qui considère que “les autres, surtout les anglophones, sont dangereux et ne viennent pas à Tam pour travailler, mais pour autre chose, en attendant d'aller vers le Nord et essayer de passer en Europe”. Sans qualification aucune, ils se contentent de faire tout ce qu'on leur demande, et c'est dans tous les cas sous-payé. Une exploitation qu'ils acceptent malgré eux. Ils ne gagent parfois que juste de quoi manger. Manger ? Tout est prévu. Des restaurants aussi misérables que leur clientèle. En bord de route, juste en face de l'oued, la maynama, des gargotes, tout ce qu'il y a de plus insupportable en termes de saleté et d'insalubrité. À peine quatre mètres sur quatre, deux grosses marmites bouillent au milieu d'une fumée où l'on distingue trois femmes affairées à préparer ce qui servira de repas. Des bouts de viande à la couleur douteuse mijotent dans un petit mélange d'eau et d'huile, du riz et une femme finit de remplir de petits sachets cylindriques de lait.
20 DA l'unité qui ne doit pas contenir plus de 10 cl. Le repas est à 30 et 50 DA. Dans la seconde maynama, décor identique avec odeurs et fumée. Deux femmes sont occupées, l'une à préparer des boulettes de pâtes à base de smen, l'autre finit de faire la vaisselle constituée de vieux ustensiles noircis par le feu. Les odeurs repousseraient naturellement le plus affamé des êtres ; et pourtant au vu de la quantité cuisinée, sûr que ça marche. Un peu en retrait, derrière les deux gargotes infectes, un autre restaurant, plutôt “clean”, on y grille un mouton entier. Harouna, 34 ans, est occupé à entretenir le feu et à tourner le gigot. Une sorte de four artisanal au-dessus duquel, sur une grille, cuit de grands morceaux d'un agneau. Harouna est juste un employé ; le patron est ailleurs, en déplacement pour affaire, dit-il. Chaque matin, il va acheter un premier fardeau de bois sec. Coût : 400 DA, et le soir un autre. Chaque jour, il égorge un agneau et il arrive à le vendre. Le prix du repas varie entre 100 et 500 DA ou plus, selon la quantité de viande consommée. Harouna est à la fois cuisinier et serveur, l'homme à tout faire dans ce “restaurant minuscule” ; c'est lui le patron quand le vrai est en déplacement. Il est là depuis 5 ans. Il gagne sa vie, 400 DA par semaine, et estime que c'est bien payé par rapport aux autres boulots.
Gat'aâ El Oued ou la rupture
Retour sur la route principale du quartier Gat'aâ El Oued. Un autre groupe a pris position au niveau de ce qui semble être un parking pour les camions. Mêmes gestes, même réflexe. La majorité se sauve. Un seul reste là, à quelques pas ; un écart qui lui permettra de fuir en cas d'intervention des services de sécurité. “Ici, il n'y a que des Nigériens et des Maliens”, dit-il. Il est arrivé, il y a une semaine, et il s'est vite mis à la recherche d'un travail. Les autres le rejoignent et parlent tous en même temps. Un gaillard se met au centre, raconte son périple et les péripéties de sa vie. À trente-quatre ans, père de quatre enfants, ce commerçant du Niger a vu sa vie basculer à cause des voleurs. Un soir, des voleurs sont entrés par effraction dans sa boutique et ont tout pris avant de la saccager. Et pour refaire sa vie ou, du moins, subvenir aux besoins de sa famille, on lui propose Tamanrasset. La semaine qu'il vient de passer ne l'a pas tellement convaincu. Jusque-là, il ne gagne qu'entre 30 et 40 DA, à ce qu'il dit. À côté de lui, son compatriote, un jeune de 25 ans, chétif aux yeux rougis, dit qu'il est maçon. Dans un sachet qu'il tient à la main, des bottes en caoutchouc, une combinaison ; sa tenue de travail. “Ça se voit que je suis ici pour travailler”, dit-il. Il est exigeant sur le tarif. Entre 300 et 400 DA la journée. Chaque matin, ils se présentent sur cette plate forme, attendent l'offre de travail. Il est rare où ils négocient, surtout ceux qui n'ont aucun métier précis. Ils tiennent par ailleurs à se distinguer des autres clandestins en restant à l'écart. Nous n'avons aucun contact avec les autres nationalités. “Il y a ceux qui sont dangereux. Ils ont de la drogue et jouent aux cartes”, dit-il. Ceux-là, on les trouve plus haut, sur le mont, dans un quartier dit “le château”. C'est le quartier le plus dangereux. Personne ne s'y aventure seul de jour comme de nuit. Les descentes de services de sécurité sont régulières, mais les clandestins y reviennent pour le réinvestir. Dès qu'on amorce la montée, on est repéré. Le quartier est composé de petites maisons en parpaing et de tôle ondulée comme toit. Elles grouillent de jeunes. Les ruelles sinueuses et poussiéreuses ne permettent pas de circuler aisément. Ce qui donne le temps aux clandestins de fuir et de prendre position sur les rochers qui surplombent le quartier. Il y a aussi des filles, mais à peine on pointe le nez, qu'elles s'évaporent dans les dédales de ce quartier en forme de labyrinthe. Avec les mêmes gestes signifiant notre venue en amitié, difficilement un Nigérien descend de son pic rocheux. Il finit avec une cuillère de déguster un petit reste de lait dans un quart. Il est âgé de 18 ans, mais il est déjà ancien dans le “métier”. Avant, il était employé dans une maison à Adrar. Un jour, il est surpris dans un magasin par la police.
Il est refoulé à la frontière. Il est remonté à Tam, mais a choisi “le château”. Un autre vient participer à la discussion. “Les autres fuient parce qu'ils ont de la drogue dans les poches”, dit-il, sans qu'on lui demande rien. La vie de ces jeunes désespérés est rythmée par deux mouvements de masse. Le soir, ils descendent dormir sous le pont, le matin, ils remontent au “château”. Des restes, des emballages, des bouteilles vides en plastique témoignent de ce qu'est la vie de ces clandestins et de leur consommation. Les bouteilles servent à la préparation d'une boisson alcoolisée appelée Tchapalo. Un breuvage qui leur permet d'oublier et d'endurer surtout. Ils fument également le bango, une herbe comme le cannabis. Ayant perdu tout leur argent, ils perdent doucement l'espoir de trouver un travail, de l'argent pour tenter l'aventure européenne. Les autres parlent anglais. Sales, le regard fixe, la mine tendue, leur attitude n'indique aucune sympathie pour les étrangers au quartier. Un Libérien se met de la partie. Encore un footballeur. Il est venu jouer dans un club algérien. Il n'aime pas les services de sécurité. Et il le clame. Est-ce qu'ils vous traitent comme les Marocains ? Un autre le rejoint pour préciser qu'il a tenté par deux fois de rejoindre Mellila, l'enclave espagnole au Maroc. Il tentera encore et encore, dit-il. Les autres regardent de loin, sans broncher. Ils attendent notre départ pour reprendre leurs places.
À la fin, seul le premier Nigérien promet de descendre et d'essayer de vivre normalement avant de plonger dans le lugubre monde des autres clandestins qui se livrent à toute sorte de trafics. En tout, cohabitent, dans des conditions de misère et de dénuement indescriptibles, pas moins de 35 nationalités que les services de sécurité tentent de contrôler et dans la majorité des cas de refouler une fois la décision de justice connue. Mais le phénomène a pris une telle ampleur que la solution répressive ne suffit plus. Surtout avec le phénomène de la contrebande dont la nomenclature s'est étendue aux médicaments, il a été saisi des médicaments pour soigner les reins, le diabète, les diarrhées, alors que la bande frontalière sud demeure fragile au niveau sécuritaire, la menace du GSPC étant toujours présente. C'est l'opinion du colonel Athmani, commandant régional de Tamanrasset, qui fait face avec ses éléments, quotidiennement, au flux massif des clandestins et des contrebandiers. Ainsi, malgré les patrouilles régulières, la surveillance des frontières, le phénomène ne s'est jamais arrêté.
La solution passe par un remède à la racine, estime-t-il, suggérant que les aides soient transformées en investissements pour créer des richesses, de l'emploi dans les pays d'origine des clandestins. Cela est valable pour tous les continents, puisque le phénomène de l'immigration clandestine n'en a épargné aucun. Les services de sécurité ne sont qu'un maillon de la chaîne qui inclut et le politique et l'économique afin de parvenir à la stabilisation des populations.
D. B.


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